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4. Rome contestée

Daria Klanac : Justement de nos jours, il y a des catholiques pratiquants aussi bien parmi les laïcs que dans le clergé qui se sentent mal dans la peau de leur Église. Rome est contestée et les fidèles se divisent en conservateurs et progressistes alors que Jésus nous dit : « Soyez un comme mon Père et moi sommes un. »[13] Comment réaliser l’unité en tenant compte de toutes nos différences ?

Arnaud Dumouch : Nous sommes sur la barque, nous sommes secoués par la tempête et nous avons des doutes : « Seigneur ta barque va couler. » Et le Seigneur semble dormir, très en paix. Il faut se rappeler la réponse qu’avait faite Jésus à ses apôtres effrayés : « Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi ? »[14] Nous, petit reste fidèle à l’Église et à l’Esprit Saint, devons absolument reprendre cette confiance totale en Jésus qui peut faire de ces pierres que voici – pierres veut dire âmes mortes – des enfants d’Abraham. Dieu sait ce qu’il fait. Si nos ancêtres ont abusé soit en excès à droite avec l’intégrisme, soit en excès à gauche avec le progressisme, et bien l’Esprit Saint s’est retiré. Il a soumis au désert son Épouse, l’Église, comme il l’avait dit qu’il le ferait dans le prophète Osée.[15] Mais il lui rendra ses vignes. Si nous sommes à la fin du monde, il la rendra heureuse à l’heure de la mort par son apparition et puis lorsqu’il reviendra dans sa gloire.

Et si nous sommes soumis à une simple épreuve nouvelle, comme les générations en ont connu beaucoup, et bien les ennemis de l’Église s’étonneront quand tout d’un coup, sans qu’il y ait d’explication, elle refleurira dans les jeunes. Il y aura des conversions en nombre. Ils se demanderont d’où cela vient. Ils ne comprendront pas, parce qu’il leur manque une constante, l’Esprit Saint qui dirige tout.

D. Klanac : Où en sommes-nous à l’heure actuelle ?

A. Dumouch : En attendant, le schisme est présent et profond dans l’Église catholique, principalement du côté des progressistes qui n’ont jamais quitté l’Église, mais qui ont fait des dégâts considérables étant parfois évêque ou prêtre. Depuis le Concile Vatican II, on a vu des évêques qui triaient leurs séminaristes uniquement sur leur capacité à être des animateurs sociaux et toute personne qui était surprise au séminaire en train de réciter le chapelet était simplement rejetée du sacerdoce. Donc, il y a des dégâts considérables dans le cœur même de l’Église. La grande masse des fidèles a suivi ce clergé et est très hostile au pape. La plupart des universités catholiques, sauf celles de Rome, sont dans le même cheminement.

Les papes Jean-Paul II et Benoît XVI ont eu une pastorale géniale. Ils auraient pu prononcer des anathèmes et montrer à quel point ce courant qui se développe n’est pas l’Évangile. Ils l’ont dit simplement, paisiblement, sans provoquer de schismes. Ce qui meurt, les branches qui n’ont plus l’Esprit Saint, doivent mourir. Et cela mourra.

Il n’y a pas de séminaristes, presque plus de fidèles qui vont à la messe et les prêtres sont âgés : c’est la génération de ceux qui ont été ordonnés dans les années 70. Après eux, il y a un grand vide, pratiquement plus de prêtres. Une jeune génération arrive et à chaque prêtre va être confié l’équivalent d’un évêché, tellement ils sont peu nombreux, mais entièrement fidèles à l’Église catholique. C’est eux qui présideront un renouveau. Pour ce qui est des intégristes, le pape Benoît XVI s’en est occupé. Il a réintégré ceux qui voulaient bien faire un pas vers l’Église en acceptant Vatican II, en comprenant son sens profond et ceux-là sont déjà rentrés dans l’Église (Fraternité Saint-Pierre). Les plus durs chez les intégristes considèrent l’Église comme une secte ou même disent qu’il n’y a plus de pape sur le siège de Rome (sédévacantistes[16]). Ceux-là sont morts à la vie de la grâce, ils ne reviendront jamais à l’Église, sauf s’il y a conversion. Mais ils sont peu nombreux et divisés. Il y a encore des personnes qui hésitent entre les deux, qui ne comprennent pas Vatican II, qui ont du mal à entrer au fond du mystère. Ceux qui auront une foi assez forte dans la tempête reviendront. Seulement, dans les épreuves que l’Église aura à vivre, ceux-là seront toujours très fragiles, auront beaucoup de doutes parce que leur foi profonde attend une Église victorieuse sur terre. Ce qui n’est pas toujours le cas. Si l’Église se comporte plus humblement, si elle n’est plus reine de la terre, si elle parle un peu comme le Christ lors de sa passion, ceux-là seront mal dans leur Église, à jamais.

Quant aux progressistes, l’Évangile les décrit un petit peu comme Judas. Ce mystère de Judas qui pensait qu’on devait servir Dieu en faisant du bien aux pauvres et qui volait un peu dans la caisse. Il ne supportait pas toute cette contemplation que Jésus acceptait autour de lui, comme cette femme qui avait versé pour un an de salaire en parfum à ses pieds. Il trouvait que c’était du gaspillage. Les progressistes trouvent aussi que c’est du gaspillage et que la seule œuvre valable, ce sont les œuvres sociales. L’unité se fera quand l’Esprit Saint réanimera tout cela autour du vicaire du Christ, de la pierre qu’il a mise sur terre. Là où est son charisme, cela veut dire autour des définitions de foi portée par Pierre.

 

13. Jean 17, 22. [↩]

14. Mt 8,23-27. [↩]

15. Os 2,14. [↩]

16. Le sédévacantisme (de l’expression latine sede vacante, « le trône de saint Pierre étant vacant », utilisée entre la mort d’un pape et l’élection de son successeur) est une position religieuse défendue par une minorité de catholiques du courant traditionaliste. Ils affirment que depuis 1958 (mort de Pie XII) ou 1963 (mort de Jean XXIII), le siège de Pierre est vacant et que les papes qui se sont succédés depuis ne sont que des usurpateurs. [↩]

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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