Accueil  >  Bibliothèque  >  Un entretien…  >  Tome 3 : La miséricorde de Dieu  >  La négation de l’absolu

 

6. La négation de l’absolu

Daria Klanac : La rupture avec Dieu a atteint son paroxysme.

Arnaud Dumouch : Il y a deux manières de regarder ce qui se passe actuellement. Le verre à moitié plein et le verre à moitié vide. On peut dire que depuis 1830[17], successivement les Occidentaux, surtout en Europe, se sont donnés à tous les péchés capitaux. Le premier péché est arrivé avec une révolution industrielle barbare qui a réduit les ouvriers à la misère, c’est l’avarice. Le second qui a été une révolte contre ce capitalisme sans modération, révolte ouvrière fondée par Marx, c’est le communisme. Le péché capital de Marx, c’est l’envie qui fonde sa pensée sur la haine du riche, sur l’idée de tuer le riche, de le massacrer, de le rejeter du monde. Cela a fait des millions de morts et n’avaient finalement comme culte que l’argent. Les deux péchés suivants, qui semblaient plus nobles, sont arrivés à partir de 1880; il y a eu en premier le péché capital d’orgueil marqué par le culte de la patrie avec les nationalismes partout en Europe. Et quand l’Allemagne perd la Première Guerre mondiale, elle tombe dans la colère et veut se venger. Elle provoque une seconde guerre mondiale qui va être encore plus terrible, qui va faire cinquante millions de morts. Elle se venge sur un bouc émissaire, sur un agneau de Dieu, le peuple d’Israël, accusé de tous les maux. Évidemment, quand on tombe dans de tels absolus, on provoque une réaction opposée et c’est ce qui va se passer en 1945 : les parents ne veulent plus entendre parler de la guerre et de toutes les valeurs précédentes. Ils les remplacent, pour leurs enfants, par l’amour du confort et la société de consommation. On peut dire que la gourmandise a été le péché capital de l’époque qui a suivi la guerre. Mais vingt ans plus tard, les solides vertus qui restent de l’éducation des parents agacent les enfants qui, en 1968, se libéreront dans une crise d’adolescence terrible, en exaltant la luxure, quitte à avorter un enfant sur cinq à naître. Les morts sont par millions, sans compter les divorces, les couples brisés, les vieux parents abandonnés. L’humanisme qui règne actuellement semble positif parce qu’il paraît ne pas faire de morts, mais au point de vue du salut éternel, c’est peut-être l’un des péchés les plus profonds, puisque l’égoïsme, l’individualisme sont exaltés comme étant la sagesse la plus évidente. Quant au dernier péché capital, qui est la paresse, il suffit de penser au régime des 35 heures qui a été tenté en France. Mais cela a duré peu de temps parce que les autres pays, comme la Chine, ont obligé la France à se remettre au travail. Ces différents antichristianismes qui ont ravagé l’humanité, et l’Église en particulier, ce sont des chrétiens de nom qui les ont proposés ; ce sont dans les vieilles terres chrétiennes comme l’Europe qu’ils sont nés.

Quant au verre à moitié plein, c’est que ces gens, en se livrant à chaque génération à une idole, à un péché capital, ont touché le fond de la misère. Quand on est jeune et qu’on se donne au nationalisme, qu’on rêve d’aller combattre dans les tranchées, c’est une chose. Soixante ans plus tard, quand on se souvient de tous les dégâts que cela a causés, que reviennent en mémoire les images de ses camarades hachés menu par des bombes, qu’on voit ses petits-enfants ricaner de nos propres valeurs en mai 68 dans des manifestations grotesques, on réfléchit et peu à peu on change. La sagesse de Dieu – à travers tous ce qu’elle a laissé faire – a consisté à donner à chaque génération la capacité de boire jusqu’à la lie la coupe de son propre péché.

D. Klanac : Et que reste-il  ?

A. Dumouch : Il reste notre génération actuelle, celle de mai 68. On dit ces gens perdus, car ils se livrent à la luxure et proclament à leurs enfants que c’est la seule chose valable. En plus, ils n’ont aucune idée de se convertir. Cela, c’est encore l’apparence extérieure, c’est le regard du verre à moitié vide, mais regardons le verre à moitié plein. C’est une génération qui approche maintenant de la soixantaine et qui va vivre, dans les 20 ans à venir, des années qu’elle ne va pas aimer. Elle va récolter ce qu’elle a semé de trois façons.

Premièrement, comme elle a appris à ses enfants que la seule valeur c’est la richesse, le confort, leurs enfants vont le leur rendre en le mettant dans de belles maisons de retraite avec beaucoup de confort et beaucoup de solitude, car ils n’auront pas le temps d’aller les voir. Deuxièmement, à force de centrer sa vie sur la recherche de la jouissance, ce qui va très bien quand on est jeune, on est pris de court quand la vieillesse nous rattrape et que la jouissance est terminée. Tout ce qu’on a vécu est complètement oublié, tout au plus conservé dans un album de photos, ce qui ne nourrit pas le bonheur. Troisièmement, quand dans sa jeunesse on a méprisé Dieu, qu’on n’a soi-disant pas eu besoin d’un sauveur et de réponses chrétiennes, il ne faut pas espérer qu’à l’heure de sa mort on sera consolé et aidé par les sacrements de l’Église et par un prêtre ; donc beaucoup mourront dans l’angoisse. Mais à l’heure de la mort, ils verront le Christ apparaître, accompagné des saints, des anges, des petits enfants qu’ils auront avortés et qui seront les premiers à leur avoir pardonné et à vouloir les entraîner vers le salut, un salut qu’ils n’imaginaient plus. À ce moment-là, comme ils auront touché le fond de l’angoisse, ils se tourneront avec une force unique vers le Christ et ils seront sauvés, parce qu’ayant beaucoup pêché, il leur sera beaucoup pardonné.

Encore une fois, quand on voit cela, loin de se désespérer et d’avoir un regard uniquement extérieur, il faut redresser la tête et regarder avec les yeux de Dieu qui, lui, vise bien autre chose que les succès terrestres de son Église : il vise le salut éternel du plus grand nombre.

D. Klanac : En reniant l’absolu au profit du relativisme et de l’indifférence, en créant de nouveaux paradis terrestres pour défier Dieu, l’humanité ne se dirige-t-elle pas vers une nouvelle chute ?

A. Dumouch : À long terme oui, c’est annoncé par nos prophéties. Mais n’oublions pas que Marthe Robin annonçait pour bientôt un renouveau de l’Église. En effet, il n’est pas du tout exclu qu’avant la fin du monde et le dernier Antéchrist – qui sera bien plus terrible que l’humanisme sans Dieu actuel –, il y ait un renouveau profond de l’Église.

Le dernier Antéchrist, celui qu’annonce saint Paul et qui sera là avant la fin des fins, sera le plus parfait qu’on puisse imaginer, parce qu’il aura compris que l’homme a besoin de réponses profondes au sens de la vie. Quelle plus belle sagesse a-t-on pu proposer à une génération humaine pour combler sa soif de vie éternelle tout en n’étant pas la sagesse du Christ ? La sagesse de Lucifer… qui propose une vie éternelle à l’homme libre, qui fait ce qu’il veut, quand il veut, qui est debout, qui est indépendant. Lucifer, quand il proposera son dernier antichristianisme, dira que le Christ et sa croix étaient en fait un démon, un faux Dieu, qui n’avait imposé l’humilité et l’amour que pour mieux dominer les hommes. Et il y aura alors une génération qui se tournera avec enthousiasme vers cet Antéchrist. Mais pour un temps seulement, car leur cœur ne sera pas comblé : il n’y a pas de vie mystique avec Lucifer, donc très vite, une fois la joie d’avoir une vie éternelle passée, les gens s’habitueront et ils verront que c’est vide. Seulement à cette époque-là, l’Église et toutes les grandes religions auront certainement disparu. Personne ne retrouvera plus le sens du vrai Dieu, sauf un petit reste. Les gens toucheront le fond ultime de toutes les angoisses qu’on puisse imaginer. Ce qui préparera leur cœur au retour du Christ dans sa gloire, qui lorsqu’il reviendra balaiera, dit saint Paul, l’Antéchrist et toutes ses œuvres.

 

17. Année de l’apparition de la rue du Bac qui avait donné le grand signe à l’Église, avec le don de la Médaille miraculeuse, le signe glorieux de l’Apocalypse, la femme revêtue de soleil. [↩]

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle