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5. Adaptation au monde

Daria Klanac : L’Église devrait-elle s’adapter au monde ? Comment sauvegarder ce qui est immuable et éternel afin de ne pas tomber dans le filet de la mode et des courants ?

Arnaud Dumouch : L’Église doit s’adapter pour la forme. La manière de parler. Je regardais des anciennes archives du pape Pie XII tel qu’il prêchait dans les années 45-50 : le style de sa prédication ferait rire actuellement. C’était un peu comme les discours de Charles de Gaulle, grandiloquent, plein de subjonctifs imparfaits. Maintenant, la prédication est beaucoup plus simple. On le voit chez Jean-Paul II ; il parle au cœur. C’est autre chose. Mais peut-être que cette façon de prêcher sera considérée comme ridicule par nos successeurs. Donc, dans la forme, l’Église doit s’adapter au monde.

Ce qu’elle ne va jamais adapter, qu’elle ne doit jamais adapter, c’est le message du Christ, à savoir le primat de la charité, l’annonce de la vie éternelle, la Trinité. On dira que les gens ne s’intéressent pas à la Trinité, qu’ils s’en fichent complètement. C’est faux ! Ils s’en fichent quand ils en sont gavés, quand il y a eu un excès, une surdose de religion dans la petite enfance, mais pas quand elle est donnée raisonnablement, y compris l’éducation chrétienne.

Il y a eu, certainement dans la génération qui a précédé la guerre 39-45, un excès de pratique extérieure, sacramentelle, qui a pu provoquer une surdose. Mais ce n’est pas cela qui explique les choses, puisque la génération d’avant la guerre 14 avait eu le même excès et avait gardé la foi. Si l’Église change le message évangélique, l’adapte au monde selon les modes du temps en devenant très rigoriste au XIXe siècle, en devenant très laxiste et humaniste après mai 68, elle perd ses fidèles. L’Église ne tient que parce qu’à chaque période elle est décalée par rapport au temps. Le fait qu’elle est persécutée est bon signe. Actuellement, elle est persécutée parce qu’elle s’oppose à l’avortement, à la liberté sexuelle, qui sont les valeurs exaltées par notre génération occidentale. Et bien c’est bon signe. On croit qu’elle perd des fidèles, on se trompe, elle perd des audiences médiatiques, elle se fait insulter, mais les braves qui savent où est la vérité retournent vers elle parce qu’elle dit la vérité. Quand le pape Benoît XV condamna la guerre de 14, médiatiquement il fut méprisé et rejeté. On ne l’écouta plus. Mais, dans leur cœur, les gens savaient qu’il avait raison. Donc, il faut cesser de ne regarder que l’apparence. Le fond des cœurs n’a jamais été aussi fort depuis 200 ans dans la prédication de l’Église. Le mépris qu’ont les acteurs mondains envers les papes en est le signe.

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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