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PREMIÈRE PARTIE : L’ORIGINE DE L’ISLAM EXPLIQUÉE AUX CHRÉTIENS
 
 
CHAPITRE 6 (suite)

La guerre peut-elle être voulue par le Dieu de Jésus-Christ ?

Le Seigneur dit en saint Mathieu :

« Vous aurez aussi à entendre parler de guerres et de rumeurs de guerres : voyez, ne vous alarmez pas, il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin. »[56]

Et ailleurs :

« Lorsque l’on dira paix et sécurité, c’est alors que fondra sur eux tout d’un coup la perdition, comme les douleurs de la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper. »[57]

Pour comprendre comment la guerre a pu être permise par Dieu, il faut revenir aux sources mêmes de la Révélation hébraïque. Nous aborderons ultérieurement[58] plus à fond la question du sens de toutes les souffrances. Nous montrerons à quel point la Révélation du Christ achève et donne sens à ce que les juifs devinaient déjà. Mais, là où nous sommes rendus, la sagesse laborieusement apprise par les juifs suffit.

Que faisons-nous sur terre ? Pourquoi nous faut-il passer par ce lieu de fragilité où le mal frappe, sans cause apparente ?

Visiblement, comprirent les juifs, il est une qualité qui tient au cœur de Yahvé plus que toute autre : Il ne supporte pas l’orgueil. L’humilité semble être appréciée par lui au-dessus de toute autre vertu, exceptée celle de l’amour. En conséquence, tout ce qu’il touche est marqué tôt ou tard par la faiblesse et la mort.

Marie, mère de Jésus, jeune fille formée par le plus pur des judaïsmes, avait compris ce fait. Elle le chante dans son Magnificat :

« Il a déployé la force de son bras, il a dispersé les hommes au cœur superbe. Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles, Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides.»[59]

 

La visitation de Marie à Élisabeth, tableau de Fra Angelico.
La visitation (Magnificat) [Fra Angelico]

 

Il semblerait que Dieu veuille apprendre quelque chose d’important à l’homme, quelque chose en rapport avec son salut. Ainsi en va-t-il de la guerre. Celui qui prend l’épée fait périr les autres par l’épée mais finit, tôt ou tard, par périr lui-même. Et la chose semble universelle.

Le peuple juif en fut le témoin et victime. Pour le comprendre, une histoire vaut mieux qu’une théorie. Il s’agit de la plus horrible histoire que la Bible contienne. Elle met en scène l’homme dans sa nature la plus réaliste et la façon dont il apprend, à ses dépends, qu’il n’est décidément rien.[60] En fait, elle nous met en scène nous-mêmes, mais nous ne le comprenons pas encore :

« En ce temps-là, il y avait un homme, un lévite. Le lévite se leva pour partir et sa concubine le suivit. Ils arrivèrent en vue de Gibéa. Il s’assit sur la place de la ville. Survint un vieillard qui dit : “Sois le bienvenu chez moi, mais ne passe pas la nuit sur la place.” Pendant qu’ils se réconfortaient chez lui, voici que des gens de la ville, des vauriens, s’attroupèrent autour de la maison et, frappant à la porte à coups redoublés, ils dirent au maître de la maison : “Fais sortir l’homme qui est venu chez toi, que nous couchions avec lui.” Alors le maître de la maison sortit vers eux et leur dit : “Non, mes frères, je vous en prie, ne soyez pas des criminels. Je vous donnerai plutôt ma fille qui est vierge”. Ces gens ne voulurent pas l’écouter. Alors l’homme prit sa concubine et la leur amena dehors. Ils la violèrent, ils abusèrent d’elle toute la nuit jusqu’au matin et, au lever de l’aurore, ils la lâchèrent. Au matin son mari se leva et, ayant ouvert la porte de la maison, il vit que la femme, sa concubine, gisait à l’entrée de la maison, les mains sur le seuil. “Lève-toi, lui dit-il, et partons !” Pas de réponse. Alors il la chargea sur son âne et il se mit en route pour rentrer chez lui. Arrivé à la maison, il prit un couteau et, saisissant sa concubine, il la découpa, membre par membre, en douze morceaux, puis il l’envoya dans tout le territoire d’Israël. Il donna des ordres à ses émissaires, disant : “Vous direz à tous les Israélites : A-t-on jamais vu pareille chose ?”

Tous les Israélites sortirent donc, et, comme un seul homme, la communauté se réunit. Les chefs de tout le peuple, toutes les tribus d’Israël assistèrent à l’assemblée du peuple de Dieu, 400.000 hommes de pied, sachant tirer l’épée. Les tribus d’Israël envoyèrent des émissaires dans toute la tribu de Benjamin pour dire : “Maintenant, livrez ces hommes, ces vauriens, qui sont à Gibéa, pour que nous les mettions à mort et que nous fassions disparaître le mal du milieu d’Israël.” Mais les Benjaminites ne voulurent pas écouter leurs frères les Israélites.

Les gens d’Israël se mirent en marche pour monter à Béthel, pour consulter Dieu : “Qui de nous montera le premier au combat contre les Benjaminites ?” Et Yahvé répondit : “C’est Juda qui montera le premier.” Au matin, les gens d’Israël s’avancèrent au combat contre Benjamin. Mais les Benjaminites sortirent de Gibéa et, ce jour-là, ils massacrèrent 22.000 hommes d’Israël. Les Israélites vinrent pleurer devant Yahvé jusqu’au soir, puis ils consultèrent Yahvé en disant : “Dois-je encore engager le combat contre les fils de Benjamin mon frère ?” Et Yahvé répondit : “Marchez contre lui !” Le second jour les Israélites s’approchèrent donc des Benjaminites, mais, en cette seconde journée, Benjamin massacra encore 18.000 hommes des Israélites. Alors tous les Israélites et tout le peuple s’en vinrent à Béthel, ils pleurèrent, ils s’assirent là devant l’Arche d’alliance de Yahvé, ils jeûnèrent toute la journée jusqu’au soir et ils offrirent des holocaustes et des sacrifices de communion devant Yahvé ; puis les Israélites consultèrent Yahvé. Et Yahvé répondit : “Marchez, car demain, je le livrerai entre vos mains.” Alors Israël plaça des troupes en embuscade tout autour de Gibéa. Les Benjaminites se dirent : “Les voilà battus devant nous comme la première fois”, mais l’embuscade d’Israël surgit de sa position. Yahvé battit Benjamin devant Israël et, en ce jour, les Israélites tuèrent à Benjamin 25.100 hommes. Ceux de l’embuscade se hâtèrent de s’élancer contre Gibéa ; ils se déployèrent et passèrent toute la ville au fil de l’épée, femmes et enfants compris. Six hommes de Benjamin tournèrent le dos et s’enfuirent au désert. Ils y restèrent quatre mois.

Fatigué, le peuple se rendit à Béthel, il resta là assis devant Dieu jusqu’au soir, poussant des gémissements et pleurant à gros sanglots : “Yahvé, Dieu d’Israël, disaient-ils, une tribu a été retranchée d’Israël. Que ferons-nous pour procurer des femmes à ceux qui restent, puisque nous avons juré par Yahvé de ne pas leur donner de nos filles en mariage ?” Ils s’informèrent alors : “Quel est celui d’entre les tribus d’Israël, qui n’est pas monté auprès de Yahvé à Miçpa ?” Et il se trouva que personne de Yabesh en Galaad n’était venu au camp, à l’assemblée. Alors la communauté y envoya 12.000 hommes d’entre les vaillants avec cet ordre : “Allez, et vous passerez au fil de l’épée les habitants de Yabesh en Galaad, ainsi que les femmes et les enfants mais vous laisserez la vie aux vierges. Et c’est ce qu’ils firent. Parmi les habitants de Yabesh de Galaad ils trouvèrent 400 jeunes filles vierges, et ils les emmenèrent au camp. Toute la communauté envoya alors des émissaires aux six Benjaminites qui se trouvaient au Rocher de Rimmôn pour leur proposer la paix. Benjamin revint alors. On leur donna les femmes de Yabesh. Les Israélites se dispersèrent alors pour regagner chacun sa tribu et son clan, et s’en retournèrent de là chacun dans son héritage. En ce temps-là il n’y avait pas de roi en Israël et chacun faisait ce qui lui semblait bon. »

Cette histoire est probablement réelle. Les détails sont crédibles car peu flatteurs pour Israël. On aurait du mal à y discerner un travail d’embellissement. Les femmes y sont traitées comme du bétail par des hommes durs dont pas un seul n’est juste. Ils veulent la guerre. Ils l’ont. Dieu l’accepte et se fait même pour eux prophète. Il leur parle mais ses paroles sont ambiguës. Eux se trompent, ne comprennent pas. Le malheur fond sur eux tous. De tout ce malheur, une seule chose apparaît : l’humanité est bien pitoyable.

Or ces hommes du passé sont à l’image de tous les habitants de la terre, de nous-mêmes. Nous sommes persuadés que nous sommes quelque chose car nous n’avons jamais été confrontés à notre vraie nature. Il suffit de rester sans nourriture deux jours pour voir se réveiller en nous la réalité. Qui pourra nous faire comprendre à quel point nous ne sommes que des pauvres pécheurs ?[61] Comment fait Dieu pour révéler à l’homme installé sur la terre ce qu’il ne veut pas voir ? Il le soumet à des expériences négatives. Parmi elles, la guerre extérieure manifeste la proximité de sa propre fin, de ses limites. Non seulement chaque individu est amené à penser à sa propre mort mais aussi les nations et les religions dont le destin dépend du sort des armes.

Au contraire, il arrive que la paix civile rende l’homme et les religions inconscients de la précarité de leur être. On peut alors se croire juste tout en se complaisant dans l’égoïsme et la vanité. Une fausse paix peut conduire l’homme ou la religion à oublier Dieu, le jugement dernier, la nécessité de bien se comporter, la nécessité d’être sans illusion sur soi… La recherche de Dieu dans la prospérité est exceptionnelle, à cause de la nature sensible de l’homme.

Le mal et les guerres perpétuelles qui règnent dans le monde provoquent chez beaucoup le rejet et la haine de Dieu. Mais, curieusement, cet effet est particulièrement visible chez ceux qui n’ont jamais subi la guerre. Ils accusent Dieu, car ils n’ont pas encore eu l’occasion de prendre conscience que la guerre naît d’abord dans leur propre cœur.

Lorsqu’un homme, frappé dans ce qu’il aime le plus, rejette Dieu, c’est différent. Ce sentiment part alors non de l’orgueil mais de l’expérience. Il ne peut comprendre pourquoi il a été atteint. Il ne peut saisir que c’est en vue d’un bien éternel, car la clef de tout est là : s’il n’y avait pas de vie après la mort, si le destin des hommes s’arrêtait ici-bas, alors l’histoire biblique de l’homme de Galaad qui livra sa concubine amoureuse afin de ne pas être lui-même violé, n’aurait pas de sens. Elle serait simplement réaliste et désespérée. Mais s’il est vrai que cette vie n’est pas la vraie vie, tout prend sens. S’il est vrai que Dieu recueille de l’autre côté du voile toutes ces vies détruites, qu’il les réconforte, leur explique pourquoi il a paru les tromper, alors il y a une justice. « C’était pour vous sauver. »

L’homme agit un peu comme le petit enfant qui, recevant de son père une punition qui lui parait injustifiée, n’en découvre que plus tard le bien-fondé. De même les hommes, en découvrant au moment de leur mort la vraie raison du gouvernement divin sur eux, n’en éprouveront plus de scandale, sauf si l’orgueil est resté en eux. Telle est la finalité de la souffrance. Telle est la raison ultime de toutes les peines que subissent les hommes en ce monde. Le peuple juif en est témoin : les justes massacrés à Auschwitz ont appris dans leur chair à appeler Dieu, leur Sauveur.

Parmi les chrétiens, beaucoup refusent cette interprétation judaïque du mal.[62] Dieu ne peut de lui-même permettre ou vouloir le malheur, même pour éduquer les hommes. Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu de liberté ! Pour ces théologiens, tout le mal sans exception vient du pari que Dieu a fait : il a laissé l’homme libre. Alors certains en ont profité pour faire le mal. Cette conception n’est qu’en partie réaliste. Elle expliquera sans problème le mal dont est source ou qui frappe un homme maître de ses actes comme Hitler. Il sème le vent et récolte la tempête. C’est justice. Mais elle n’expliquera jamais des maux qui ne concernent en aucun cas la liberté : la mort de ces enfants tués dans les tremblements de terre… la mort tout simplement.

 

56. Matthieu 24, 6. [↩]

57. 1 Théssaloniciens 5, 3. [↩]

58. Voir deuxième partie : premier chapitre, que veut Dieu aux hommes pour les avoir mis sur la terre ? [↩]

59. Luc 1, 51-53. [↩]

60. Livre des juges 19-20. [↩]

61. La réalité de ce fait est vertigineuse. Après la mort, face à l’apparition du Christ dont l’amour et la vérité bouleversent l’homme, tout genou devient chancelant et découvre le profond égoïsme qui l’anime. [↩]

62. Le sommet du judaïsme est dans cette conception et l’Église catholique l’a entièrement gardée tout en pensant pouvoir, grâce à Jésus Christ, en expliquer le pourquoi (voir deuxième partie, chapitre un). La liturgie juive continue de chanter à propos d’Auschwitz et du génocide des enfants : « Yahvé, tu nous as frappé car nous avions péché. » [↩]

Arnaud Dumouch, Le mystère de l’islam : prophéties de la Bible et du Coran, Éditions Docteur angélique, Avignon, 2008.

 

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