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Deuxième conférence

De la persécution de l’antéchrist et de la conversion des juifs

Et tunc revelabitur ille iniquus,
quem Dominus Jesus interficiet spiritu oris sui,
et destruet illustratione adventus sui.

Et en ce temps se manifestera l’homme de péché
que le Seigneur Jésus tuera du souffle de sa bouche
et qu’il dissipera aux clartés de son avènement.
(II Th., chap. II, V. 3.)
 

Le monde aura une fin. C’est une vérité que nous avons établie et que démontrent également la foi et la raison.

La fin du monde et le dernier avènement du Fils de Dieu, qui la suivra, auront lieu à l’improviste, avec la rapidité de la foudre qui fend les nues et qui s’élance de l’orient à l’occident.

Mais la date précise de ce jour est un secret caché dans les profondeurs des conseils divins. Nous n’en savons ni le jour, ni l’heure, et Jésus‑Christ, ambassadeur de la Divinité sur la terre, nous déclare qu’il a reçu l’ordre formel de ne pas nous les divulguer.

Ainsi, toutes les opinions, qu’à diverses époques des person­nages doctes et pieux ont cru pouvoir émettre sur cette question, ne sont que des sentiments personnels et privés, des assertions reposant sur des données purement conjecturales, et dont plus d’une fois les événements ont mis en évidence l’erreur et l’inanité.

Saint Cyprien, Tertullien, considérant la rage des persécuteurs et les violences de cette guerre d’extermination poursuivie à outrance contre les chrétiens, signalaient ces calamités et toutes ces horreurs comme les pronostics de la proximité du jugement dernier.

« La fin du monde n’est pas éloignée », disait saint Jean Chry­sostome ; « les tremblements de terre, le refroidissement de la charité sont comme les avant‑coureurs et les présages de ce ter­rible événement. »

Personne n’ignore qu’à l’époque de la chute de l’empire romain et de la dissolution sociale qui accompagna ce grand cata­clysme, et plus tard, au commencement de l’an mil de l’ère chrétienne, les peuples croyaient toucher aux temps prédits, et dans les désastres publics, dans l’effondrement des institutions, il leur semblait voir le prélude de la destruction finale.

Déjà au temps de saint Paul, ces mêmes terreurs s’étaient emparées des esprits. Des illuminés et de faux sectaires inter­prétaient dans un sens grossier et littéral les paroles de l’Évangile de saint Matthieu. Persuadés que la ruine du monde allait suivre de près la ruine de Jérusalem, ils se livraient à des prédictions désordonnées et excessives, qui remplissaient les imaginations d’épouvante. Ils détournaient les hommes de l’ac­complissement de leurs devoirs religieux et civils, les invitaient à ne pas se marier, à ne pas bâtir, à se livrer à une inertie stupéfiante, en attendant la catastrophe qui allait les frapper.

Saint Paul crut devoir désabuser ces âmes séduites et égarées et il leur dit : « Je vous en supplie, mes frères, que personne de vous ne se laisse surprendre en aucune manière comme si le jour du Seigneur était près d’arriver. Car le Fils de Dieu ne descendra pas une seconde fois, qu’on n’ait vu paraître l’homme de péché, le fils de perdition, celui qui doit se déclarer l’adversaire, s’élever au‑dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est adoré, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, s’y montrant comme s’il était Dieu… »[61]

Voilà donc un fait précis, énoncé par l’Esprit Saint et que saint Paul annonce clairement, afin de dissiper les craintes aux­quelles s’abandonnaient certains esprits et afin d’aider les chrétiens fidèles à se tenir en garde contre les faux systèmes et les prédictions incertaines et hasardées.

Mais ce qui ressort du passage que nous venons de citer, ce qui est certain et indéniable, c’est qu’avant la fin du monde, il apparaîtra sur la terre un homme profondément pervers, investi d’une puissance en quelque sorte surhumaine, qui, prenant à partie Jésus‑Christ, entreprendra contre lui une guerre impie et insensée. Par la crainte que cet homme inspirera, et surtout par ses artifices, par son génie de séduction, il parviendra à conquérir la presque totalité de l’univers, il se dressera à lui-même des autels, et forcera tous les peuples à l’adorer.

Cet homme étrange, exceptionnel par sa malice, sera‑t‑il de notre race, aura‑t‑il sur son visage les traits de l’homme, le même sang que le nôtre coulera‑t‑il dans les veines de ce coryphée d’erreur et de corruption ? – Ou bien, comme quelques‑uns l’ont voulu. sera‑t‑il une incarnation de Satan, un démon émané de l’Enfer et travesti sous une forme humaine ? – Ou bien encore, comme l’ont soutenu d’autres docteurs, cet être impie n’est‑il qu’un mythe, un personnage allégorique dans lequel les saintes Écritures et les Pères ont voulu manifester par une vue d’ensemble l’universalité des tyrans et des persécuteurs ; mettre en relief l’image collective de tous les impies et de tous les hérésiarques qui ont combattu contre Dieu et contre son Église depuis l’origine des temps ?

Ces diverses interprétations ne sauraient se concilier avec le texte positif et précis des Livres Saints. – La presque totalité des Docteurs et des Pères, saint Augustin, saint Jérôme, saint Thomas, affirment nettement que ce malfaiteur aux proportions effrayantes, ce colosse d’impiété et de dépravation sera un sujet humain. Le savant Bellarmin démontre qu’il est impossible de donner une autre signification aux paroles de saint Paul et à celles de Daniel, ch. XI, V, 36 et 37.[62] Saint Paul désigne ce grand adversaire substantivement, en l’appelant un homme : « l’homme de péché, le fils de la perdition. » Daniel nous apprend qu’il attaquera tout ce qui est respectable et sacré, qu’il s’exal­tera avec audace contre le Dieu des dieux, et réputera comme néant le Dieu de ses Pères : Is Deum patrum suorum non reputa­bit. – L’Apôtre ajoute que Jésus‑Christ le tuera… Tous ces traits et ces caractères divers ne peuvent évidemment s’appliquer à un être idéal et abstrait ; ils ne sauraient convenir qu’à un individu de chair et d’os, à un personnage réel et déterminé.

Les Pères et les Docteurs se sont appliqués à rechercher les origines de l’Antéchrist, à découvrir de quels parents et de quelle race il sera issu. – L’universalité d’entre eux émettent le senti­ment qu’il naîtra de parents juifs pris parmi les fils de Jacob, et plusieurs affirment qu’il sera issu de la tribu de Dan. C’est l’interprétation qu’ils donnent à ce passage de la Genèse, ch. XLIX : « Que Dan devienne une couleuvre sur le chemin, un scorpion dans le sentier » ; et à cet autre de Jérémie, chap. VIII : « De Dan nous avons entendu le frémissement des coursiers ». Ils supposent que saint Jean, dans son Apocalypse, a omis de mentionner la tribu de Dan en haine de l’Antéchrist, mais toutes ces données sont incertai­nes. – Ce qui paraît positif, c’est que l’Antéchrist sortira de la race juive d’Israël. Saint Ambroise, dans ses commentaires sur l’Épître aux Thessaloniciens, dit qu’il sera circoncis… Sulpice Sévère, dans le livre II de ses Dialogues, dit qu’il obligera tous ses sujets à se soumettre à la circoncision.

Du reste, tous s’accordent à dire qu’au début de son règne, il parviendra, par ses tromperies et ses prestiges, à faire croire aux juifs qu’il est le messie qu’ils ne cessent d’attendre, et ceux-ci, dans leur aveuglement, s’empresseront de le recevoir et de l’honorer comme tel. C’est l’interprétation que Suarez et la géné­ralité des commentateurs donnent à cette parole de Notre‑Sei­gneur Jésus‑Christ en saint Jean, ch. v, v. 43 : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas, si un autre vient en son propre nom, vous le recevez » Il faut donner la même signification à cette autre parole de saint Paul aux Thes­saloniciens : « Parce qu’ils n’ont pas voulu recevoir la vérité, Dieu leur enverra une opération d’erreur de manière qu’ils croi­ront au mensonge. » Or est‑il vraisemblable que les juifs acclament, comme Messie, un homme qui n’appartiendrait pas à leur race et qui n’aurait pas été circoncis ? – L’Antéchrist sera donc juif. – Naîtra‑t‑il d’une union illégitime ? – Le théologien Suarez nous dit que c’est chose incertaine. Toutefois, il est à présumer qu’un homme aussi profondément pervers, aussi opposé au Christ dans sa vie et dans ses mœurs, aura une origine infamante. Et de même que Jésus‑Christ a eu pour mère la Vierge immaculée, ainsi on peut conclure par analogie et par induction que son adversaire déclaré naîtra d’une union impure et qu’il sera le fruit d’une femme d’impudicité. « Il sera un fils de fornication », dit saint Jean Damascène « et sa nais­sance sera imprégnée des souffles et de l’esprit de Satan. »

Ce que l’on peut sûrement affirmer de cet homme d’iniquité, c’est que dès ses plus tendres années, il sera entièrement possédé par l’esprit et le génie du démon. Le Lion de l’abîme, qu’aux derniers âges de l’humanité, Dieu, dans les secrets de sa justice, aura déchaîné pour punir l’infidélité des hommes, s’identifiera en quelque sorte avec lui, il lui inoculera la plénitude de sa malice. – Sans doute, il ne sera pas frustré de l’assistance de son bon ange, ni du secours nécessaire de la grâce suffisante, que Dieu en cette vie accorde à tout homme sans exception ; – mais sa haine contre Dieu sera si violente, sa répulsion pour toute œuvre bonne tellement invincible, ses rapports et son com­merce avec l’esprit de ténèbres si étroits et si constants, que, depuis son berceau jusqu’à son dernier soupir, il demeurera immuablement rebelle à toutes les invitations divines et que la grâce d’en haut n’aura jamais en son cœur aucun accès.

Saint Thomas nous dit que dans sa personne et dans ses œuvres il se manifestera comme l’antipode du Fils de Dieu et qu’il sera la parodie de ses miracles et de ses œuvres.

L’esprit mauvais depuis son origine n’a jamais poursuivi qu’un seul but, celui d’usurper la place du Tout‑Puissant, de se consti­tuer ici‑bas un royaume qui le dédommage du royaume du Ciel, dont sa révolte l’a exclu, et pour atteindre plus sûrement ce but, il a coutume, dit Tertullien, de se faire le singe de Dieu, de le contrefaire dans toutes ses œuvres.

L’adversaire des derniers temps ne se posera donc pas seule­ment comme l’ennemi déclaré et personnel de Jésus‑Christ. Mais il aspirera ouvertement à le détrôner, à le supplanter dans les hommages et la vénération des hommes, à se faire adjuger à lui-même l’adoration et la gloire qui ne sont dues qu’au Créateur. Il affirmera, dit saint Thomas, qu’il est l’Être suprême et éternel, et à ce titre il se fera rendre des honneurs et un culte de latrie. Ainsi, il aura des prêtres, il se fera offrir des sacrifices, exigera que son nom soit invoqué dans les serments et que les hommes s’en servent pour sceller la foi des traités : Ita ut ostendens tanquam sit Deus. Afin de mieux accréditer cette persuasion, il opposera aux révélations divines de fausses révélations ; aux cérémonies du culte divin, ses rites impies : à l’Église éternelle fondée par Jésus‑Christ, une société abominable, dont il sera le chef et le pontife. Et de même, ajoute saint Thomas, que la plé­nitude de la Divinité habite corporellement dans le Verbe incarné, ainsi la plénitude de tout mal habitera dans cet homme effroyable, dont la mission et les œuvres ne seront qu’une copie à rebours et une exécrable contrefaçon de la mission et des œuvres de Jésus‑Christ.

Par lui, Satan mettra le sceau à son impiété. Il quintessenciera en quelque sorte dans ce type vivant tous les projets sinistres qu’il a conçus contre les hommes, et que n’a cessé de lui inspi­rer la haine ardente et implacable dont il est animé contre Dieu…

Et dans ses conseils cachés, le Seigneur du Ciel permettra que ce tison d’Enfer prévale pour un temps.

Saint Thomas caractérise ce délégué de Satan en l’appelant caput omnium malorum : le prince et l’inspirateur de toutes les convoitises de la chair et de tous les égarements de l’esprit, au point que les génies de mensonge et les artisans de scélératesse, qui se sont succédé aux différents âges, n’apparaîtront auprès de cet homme que comme des pygmées auprès d’un géant. Ainsi, il renouvellera les infamies de Néron ; il sera animé de la haine et de la violence de Dioclétien ; il aura la ruse et la duplicité de Julien l’Apostat ; il recourra à l’intimidation et fera fléchir la terre sous son sceptre, comme Mahomet ; il sera lettré, philo­sophe, habile orateur, il sera éminent dans les arts et dans les sciences industrielles, il maniera le persiflage et le rire comme Voltaire. Enfin il fera des prodiges et s’élèvera dans les airs comme Simon le magicien.[63]

Si vous demandez pourquoi la Providence divine lui permettra d’exercer une telle puissance et une telle séduction, l’apôtre saint Paul nous en donne la raison : « Parce que les hommes n’ont point reçu l’amour de la vérité pour être sauvés. En punition, Dieu leur enverra un esprit qui donnera efficacité à l’erreur, en sorte qu’ils croiront à l’erreur, afin que tous ceux qui n’ont pas cru à la vérité, mais qui se sont plu dans l’injustice, soient condamnés. » Suarez dit que Dieu permettra l’avènement de l’Antéchrist, surtout afin de punir l’incrédulité des juifs du peuple de l’ancienne alliance. Ceux‑ci, n’ayant pas voulu adorer le vrai Messie, ni se laisser convaincre par sa doctrine et par ses miracles, Dieu per­mettra pour leur punition qu’ils s’attachent à un faux messie, qu’ils ajoutent foi à ses impiétés et à sa doctrine et qu’ils se fassent les imitateurs de sa vie dissolue.[64]

A cette heure, le péril des âmes sera grand et le scandale de la contagion universel. Toutefois, afin que ceux qui se laisseront surprendre n’imputent leur malheur qu’à eux‑mêmes, l’Esprit Saint a voulu nous tracer à l’avance les phases principales de cette épreuve terrible et décisive, la conclusion de toutes celles que l’humanité aura subies.

D’abord, afin de nous révéler la violence et la férocité de l’homme de péché, l’habileté avec laquelle il conduira la guerre qu’il aura entreprise contre les saints, l’apôtre saint Jean, dans l’Apocalypse, ch. XIII, nous le dépeint sous la figure d’une bête monstrueuse, ayant sur le front dix têtes ou dix diadèmes, et sur chacun de ces diadèmes est écrit un nom de blasphème. Au dire des interprètes, ces dix têtes et ces dix diadèmes expriment dix rois tributaires, qui seront ses lieutenants et se feront les exécu­teurs de ses ruses et de ses cruautés.

De plus, saint Jean nous dit qu’il sera investi d’une souverai­neté absolue, que sa puissance s’étendra sur toutes les tribus et sur tous les peuples, sur les hommes de toute nation et de toute langue.[65]

En même temps qu’il parviendra à vaincre les saints en les persécutant à outrance, il ouvrira carrière à toutes les licences, et il n’y aura de liberté que pour le mal.

Enfin, il sera versé dans les sciences occultes et dans les arts de la magie, et par l’intermédiaire des démons, il opérera des œuvres merveilleuses, que les hommes séduits estimeront de vrais miracles.[66]

Le premier de ces miracles cité par saint Jean sera une résur­rection apparente. Dans une de ces guerres où l’Antéchrist appa­raîtra comme monté sur un char de lumière et de feu, il sera frappé à la tête d’une blessure mortelle. Pendant un temps on le verra sans vie et comme mort. Puis tout à coup il se lèvera et sa plaie sera instantanément guérie. A ce spectacle, les hommes séduits, les incrédules et les esprits forts de cette époque, qui comme ceux de nos jours n’ayant aucune foi au surnaturel et aux vérités révélées, rejetteront dédaigneusement le miracle, comme irrémissiblement condamné par la science et la raison ; ces hommes, dis‑je, ajouteront foi à l’imposture. Ils s’écrieront avec enthousiasme et avec admiration : « Qui est semblable à la bête ? Qui pourra jamais combattre et vaincre la bête ? »

Secondement, l’homme de péché fera descendre le feu du ciel, afin de laisser croire qu’il est le maître de la nature, le régulateur des saisons, et qu’il a sous sa domination le ciel et les astres.[67]

Troisièmement, il fera parler une statue ; les démons se servi­ront d’un arbre ou d’un bois inanimé comme d’un instrument, à l’aide duquel ils débiteront leurs supercheries et leurs faux oracles. On verra aussi les meubles se remuer et courir d’eux-mêmes, les montagnes se déplacer instantanément, des multitudes de démons transfigurés en anges de lumière, apparaître dans les airs.

Et alors, par un incompréhensible jugement de Dieu, les libres penseurs et les grands sceptiques des derniers siècles prendront au sérieux ces jongleries et ces prestidigitations. Dupes de leur présomption et de leur crédulité. ils donneront tête baissée dans toutes les folies de la nécromancie et de la divination, vérifiant à la face du monde l’oracle des Livres saints : « Ceux qui se détournent de la vérité, s’attachent à l’esprit d’erreur et à la doctrine des démons : attendentes spiritibus erroris et doctrinis dœmoniorum. »[68]

Enfin, est‑il encore écrit, l’orgueil de l’homme de péché n’aura plus de bornes. Il ouvrira sa bouche en blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, son tabernacle, et les saints qui sont au Ciel. – Il se croira en droit, dit Daniel, de supprimer les temps et la loi, et putabit quod possit mutare tempora et leges[69] ; c’est‑à‑dire qu’il abolira les fêtes et le repos dominical, il modi­fiera l’ordre des mois, la durée et la division des semaines, il effacera du calendrier les noms chrétiens, pour leur substituer l’emblème des plus vils animaux. En un mot, cette contrefaçon du Christ sera athée suivant toute la force de cette expression. Il fera disparaître la croix et tout signe religieux ; comme l’affirme encore Daniel, il substituera dans tous les temples des rites d’abo­mination aux sacrifices chrétiens. Les chaires sacrées seront muettes ; l’enseignement et l’éducation laïques, obligatoires et sans Dieu. Jésus‑Christ sera proscrit du berceau de l’enfant, de l’autel où s’unissent les époux, du chevet des mourants. Sur toute l’étendue de la terre on ne tolérera plus que l’on adore d’autre dieu que ce christ de Satan.

Dieu dans ses desseins impénétrables, permettra que les hommes subissent cette suprême et terrible épreuve, afin de leur apprendre combien la puissance du démon est grande, combien leur faiblesse est extrême ; il a voulu nous l’annoncer, afin que dès maintenant nous nous préparions à la soutenir en recourant à lui par la prière et en nous munissant des armes spirituelles de la charité et de la foi. En outre, l’Antéchrist est destiné à faire ressortir et à manifester avec éclat la fidélité et la constance de ceux dont les noms sont écrits dans le Livre de vie et que toutes ses violences et ses artifices combinés n’auront pu parvenir à ébranler.

‑ Mais, d’autre part, il est certain que cette persévérance formidable sera un principe de ruine et le glaive du grand discer­nement : Ut revelentur ex multis cordibus cogitationes.[70]

Les apostasies seront nombreuses, et les courages deviendront rares. Il est écrit que les vertus des cieux seront ébranlées et que les étoiles du ciel tomberont. En d’autres termes, on verra les conducteurs des peuples fléchir le genou devant l’idole régnante, et, ce qui est plus désolant encore, c’est que, parmi les dispen­sateurs de la science, les astres de la théologie, les bouches d’or de l’éloquence sacrée, un grand nombre déserteront la vérité et se laisseront emporter par le courant de la dépravation.

Saint Jean[71] parle encore d’un caractère étrange et mystérieux que tous « petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves » seront tenus de porter à leurs mains ou sur leur front ; ce signe sera une marque d’apostasie, il témoignera que tous ceux qui s’en sont munis, soit pour complaire au maître, soit pour échapper à ses fureurs, ont renié le vrai Christ et se sont enrôlés à jamais sous la bannière de son ennemi.[72]

Ceux qui porteront ce signe infamant, jouiront en abondance des avantages de la fortune ; ils auront les gros traitements, les emplois publics, la profusion des voluptés et de tous les biens désirables. Mais ceux qui refuseront de se couvrir de ce sceau d’abomination seront mis hors la loi. Il est écrit que « personne ne pourra ni vendre ni acheter, s’il n’a sur lui le caractère ou le nom de la bête ou le nombre de son nom. » Il sera interdit à tous ceux qui n’auront pas cette marque de puiser aux fontaines publiques, ils seront même indignes d’ouvrir les yeux à la lumière et de respirer l’air pur des cieux.

La désolation sera grande « telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura jamais ».[73] Les justes seront honnis, méprisés ; on les traitera d’insensés, de perturbateurs du repos public ; on les accusera de fouler aux pieds l’honneur et le patriotisme, en se refusant à acclamer l’homme le plus grand qui ait paru dans le monde, l’incomparable génie qui aura élevé la civilisation humaine à l’apogée de la perfection et du progrès. Si les justes ne devaient être soutenus par une assistance de Dieu spéciale, il n’y en aurait pas un seul qui pût résister à la violence d’une pareille tentation : Ita ut in errorem inducantur (si fieri potest) etiam electi.[74]

Dans les jours néfastes de la grande révolution française, il y avait encore des asiles, des lieux de sûreté ouverts aux condam­nés et aux proscrits. Les campagnes étaient saines ; il y avait des forêts impénétrables, des routes secrètes et détournées. Mais à l’époque que nous entreprenons de décrire, la science et les découvertes humaines auront atteint leur point culminant, le globe terrestre sera enlacé de fils télégraphiques et de voies fer­rées. Toutes les montagnes auront été perforées. Il n’y aura plus de rochers, plus de cavernes, plus d’îles ni de déserts, où la liberté puisse espérer un refuge. Le foyer domestique lui‑même ne sera plus un lieu sûr : car il est dit « que le frère trahira son frère et que l’ami dénoncera son ami. »[75]

Ce n’est pas la coutume des Livres saints, quand ils nous dévoi­lent l’avenir, d’entrer dans des détails aussi précis et aussi minu­tieux. Les prophètes ne nous parlent qu’énigmatiquement et en raccourci. En règle générale, ils se bornent à nous tracer les grandes lignes des événements futurs. Mais pour ce qui est de la dernière lutte livrée aux saints, les apôtres inspirés ont mis en application la maxime : mala prœvisa minus feriunt, et ils n’ont rien omis de ce qui pouvait raffermir les justes durant ces jours d’épreuve et de grande calamité.

Ainsi, ils nous apprennent qu’à cette époque l’Orient rede­viendra de nouveau le centre de la politique et des affaires humaines, que l’imposteur possédé de la manie et de la rage aveugle de profaner les lieux les plus saints, ceux qui auront été le théâtre des travaux et des souffrances de l’Homme Dieu, assiéra sa royauté à Jérusalem. Mais ils nous disent pour nous consoler que Dieu abrégera la durée de sa puissance, qu’il la limitera à quarante‑deux mois, trois ans et demi, menses qua­draginta duos.

Sans doute le nombre énoncé par les Livres saints n’exprime pas la durée de temps que mettra l’homme de péché pour con­quérir la terre et arriver au faîte de sa toute‑puissance. On ne peut raisonnablement supposer que malgré les forces sataniques et surhumaines dont il sera investi, il puisse en un jour devenir maître du monde. – Il est à croire qu’il n’obtiendra la plénitude de sa souveraineté que progressivement, qu’il lui faudra un espace de temps plus ou moins long pour soumettre les peuples et enlacer l’univers entier dans le réseau ténébreux de ses ruses et de ses séductions. – Tout ce que nous apprennent saint Jean et Daniel, c’est que sa domination sur les hommes « de toute race, de toute tribu, de toute langue subsistera » usque ad tem­pus, et tempora et dimidium temporis, c’est‑à‑dire, un an, deux autres années et la moitié d’un an. – Daniel, ch. XII, nous dit : Depuis le temps où le sacrifice perpétuel aura cessé, et où l’on verra à sa place l’abomination de la désolation régner dans le lieu saint, il s’écoulera mille deux cent soixante jours. – D’où il suit, que le moment où Jésus‑Christ cessera d’être présent sur nos autels et de s’y offrir comme victime à la justice de son Père, afin de faire contrepoids aux crimes des hommes, doit se compter à partir du jour où l’Antéchrist aura obtenu la domi­nation universelle : alors seulement le sacrifice non sanglant de l’autel cessera d’être célébré ; mais jusqu’à ce jour et pendant le temps que l’Antéchrist mettra à conquérir sa royauté, le sacri­fice de la messe continuera à subsister.

Saint Jean désigne encore le nom de l’Antéchrist ; mais il a jugé utile de ne nous le dire qu’en lettres chiffrées. On sait que dans diverses langues les chiffres peuvent se traduire en caractères alphabétiques, et réciproquement les lettres alphabétiques en caractères chiffrés. Saint Jean nous dit donc que dans une langue qu’il ne nous fait pas connaître, le nom de la bête s’exprime par le nombre 666.

Les Pères et les docteurs se sont étudiés à saisir la clef de ce nombre et à découvrir le nom caché sous ce nombre mystérieux[76], mais leurs recherches n’ont pas abouti. On peut imaginer une multitude de noms divers dont les lettres, suivant leur juxta­position, expriment le nombre indiqué par saint Jean. Il faut s’en tenir au sentiment de saint Irénée qui nous assure que l’Esprit Saint nous a proposé le nom de l’Antéchrist, sous la for­mule de ce chiffre énigmatique, parce qu’il a voulu que sa vraie signification restât ignorée jusqu’à l’avènement de sa prophétie, au jour où il sera utile aux hommes que l’Antéchrist leur soit signalé. – « Alors, dit saint Jean, ceux qui ont reçu l’intelligence ne seront plus sujets à se méprendre, et pour reconnaître la bête ils n’auront qu’à compter le nombre de son nom. Qui habet intellectum computat numerum Bestiœ. »[77]

Mais Dieu, dit saint Paul, est fidèle, il a fait un pacte avec la tentation et ne permet pas que l’homme soit éprouvé au‑dessus de ses forces. Ici la tentation excédera les conditions et les lois normales de l’humanité. Il convient à la miséricorde de Dieu que le remède soit en proportion avec l’étendue du mal. Or, le secours annoncé est le plus surhumain, le plus extraordinaire, le plus en dehors des règles de l’histoire et de la marche ordinaire de la Providence, de tous ceux que le Ciel a envoyés aux hommes depuis l’Incarnation.

Au moment où la tempête sera plus violente, où l’Église sera sans pilote, où le sacrifice non sanglant aura cessé en tout lieu, où tout semblera humainement désespéré, on verra, dit saint Jean, surgir deux témoins.

Ces deux témoins seront deux hommes étranges, paraissant tout à coup au milieu du monde, sans que personne ne puisse dire quelle est leur naissance, leur origine, ni de quel lieu ou de quelle famille ils sont sortis.

Voici comment saint Jean en parle au onzième chapitre de l’Apocalypse : « Et je donnerai mon esprit et ma force à mes deux témoins, et ils prophétiseront mille deux cent soixante jours, vêtus d’un sac. Ce sont deux oliviers et deux chandeliers debout en présence du Seigneur de la terre »[78]

Nulle langue ne peut exprimer la stupéfaction dont les hommes seront saisis, à la vue de ces deux hommes étrangers à nos passions et à nos affaires, ayant vécu l’un six mille ans, l’autre trente siècles, dans je ne sais quelle région éthérée, sous des firmaments et sur des sphères inaccessibles à nos sens et à notre entendement. Ni l’un ni l’autre pourtant de ces témoins ne sont étrangers à la famille humaine. L’un de ces flambeaux et de ces deux oliviers est Hénoch, le trisaïeul de Noé, l’ancêtre en ligne directe de tout le genre humain. L’autre est le prophète Elie, lequel, ainsi que l’a dit le Sauveur, est destiné à restaurer toutes choses.[79] – Il vient une seconde fois refouler le flot de l’impiété, plus impétueux et plus débordé qu’il n’était au temps d’Achab. C’est aussi l’heure de la Rédemption d’Israël. Le grand prophète va convaincre la descendance d’Abraham de la venue du Messie, ôter le bandeau d’ignorance et de ténèbres, appesanti depuis dix‑neuf siècles sur ses yeux.

Quel sera l’extérieur et l’attitude de ces revenants d’un autre âge ? Quelle majesté antique resplendira dans leur personne ? Quels accents inspirés jailliront de leurs lèvres ? – C’est ce que la sainte Écriture ne nous dit pas. Elle nous apprend qu’ils prophétiseront pendant mille deux cent soixante jours, vêtus d’un sac, portant sur leurs vêtements et sur leurs traits l’image de l’humi­lité et de la pénitence. – D’après Daniel, la durée de la persé­cution de l’Antéchrist sera de mille deux cent nonante jours. Donc la prédication d’Hénoch et d’Elie sera plus courte de trente jours. D’où il suit qu’ils apparaîtront à l’époque où la persécu­tion sera, déchaînée avec plus de violence. – Comment, dans l’espace de temps où sera limitée leur mission, parviendront‑ils à rendre leur témoignage dans tous les lieux habités et à parcourir l’étendue de la terre ? Nous répondons qu’il n’est point nécessaire qu’ils visitent toutes les villes ; il suffit qu’ils apparaissent dans les principales, qu’ils fassent entendre leurs prédications dans les capitales et les grands centres de population, où l’Antéchrist aura été présent, et où il aura exercé une fascination plus redou­table. – En outre, il n’est pas vraisemblable qu’Hénoch et Elie soient constamment réunis, et il est plus probable qu’ils prêcheront séparément, jusqu’à ce que, sur un commandement de Dieu, ou par l’effet d’une inspiration providentielle, ils se trouvent tout à coup réunis pour la lutte suprême.

Sans doute, dans le principe, les hommes incrédules se refuse­ront à admettre leur identité. lis chercheront à les saisir, à les châtier comme des jongleurs et de faux visionnaires ; l’opinion les accablera de ses traits satiriques et de ses dédains, les feuilles publiques s’obstineront à ne pas faire mention d’eux et affecte­ront de ne pas les connaître. Le persécuteur, écumant de rage, cherchera à les faire mourir ; mais tant que durera leur mission, ils seront gardés par une force supérieure ; car voici ce que dit saint Jean, chapitre XI, verset 5 : « Et lorsque quelqu’un voudra leur nuire, un feu sortira de leur bouche qui dévorera leurs ennemis, et si quelqu’un les offense, il sera frappé de mort. – Ces hommes auront mission de fermer le ciel, pour qu’il ne pleuve point durant toute la durée de leur prophétie, et ils auront pouvoir sur les eaux pour les changer en sang, et ils auront aussi pouvoir de frapper la terre de toutes sortes de plaies aussi souvent qu’ils le voudront. »

L’Évangile n’est pas aussi précis sur le succès et l’efficacité de la mission de ces deux grands témoins ; mais on peut regarder comme certain qu’ils désabuseront une multitude d’hommes séduits. et qu’ils ramèneront la plupart de ceux que la crainte ou l’ambition avait détournés du culte du vrai Dieu. – Et il faut bien que leur prédication ait une puissance qu’aucune autre parole depuis la parole évangélique n’aura jamais eue, puisqu’elle vain­cra l’obstination des juifs hommes, juifs ou païens qui, cédant à l’éclat des prodiges et à l’évidence des preuves, rentreront sous la houlette du Pasteur des pasteurs, pour ne former plus avec les chrétiens qu’un seul trou­peau et qu’un seul bercail.

Cependant Dieu ne donne ses grâces qu’avec mesure. Quand la lumière aura été faite, lorsque les hommes auront eu pleine­ment le temps de discerner la vérité de l’erreur, alors Dieu dans sa sagesse suspendra le miracle… C’est là une loi constante de la Providence. Elle s’est réalisée jadis à l’égard de Samson une fois les Philistins humiliés et défaits, Dieu lui retira son esprit et la force prodigieuse dont il l’avait investi. Le Ciel procéda encore par la même voie à l’égard de Jeanne d’Arc ; une fois sa mission accomplie, lorsqu’elle eut mis les Anglais en déroute, et replacé la couronne sur le front de Charles VII, son génie et son habileté guerrière parurent s’éclipser ; elle fut faite captive, et rentra dans les conditions communes de la vie humaine. Ainsi en doit‑il être d’Hénoch et d’Elie. Du reste, le miracle, en se prolongeant, n’aurait d’autre effet que de confirmer dans leur endurcissement les obstinés qui auront refusé de prêter à leur parole une oreille et un cœur dociles. – Enfin, les deux témoins, quoique âgés maintenant, l’un de six mille, l’autre de trois mille ans, ne sont pas morts, et il importe qu’ils scellent leur témoignage par l’effu­sion de leur sang, et qu’ils subissent la loi de la nature humaine dont le Christ lui‑même n’a pas voulu s’affranchir.

Or voici ce qui aura lieu, dit saint Jean, dans le chapitre déjà cité : « Et quand ils auront achevé leur témoignage, la bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre et les tuera.

Et leurs corps seront gisants dans les places de la grande ville, appelée spirituellement Sodome, où leur Seigneur a été crucifié.

Et des hommes, des tribus et des peuples les verront durant trois jours et demi, et ils ne permettront pas qu’on mette leurs corps dans le tombeau.

Et les habitants de la terre se réjouiront de leur sort, et ils en feront des fêtes, et ils s’enverront des présents les uns les autres, parce que ces deux prophètes tourmentèrent ceux qui habitaient la terre.

Mais après trois jours et la moitié d’un jour, l’esprit rentrera en eux de la part de Dieu. Et ils se relèveront sur leurs pieds et une grande crainte s’emparera de ceux qui les verront.

Et à cette même heure, il se fera un grand tremblement de terre, et la dixième partie de la ville tombera, sept mille hommes périront dans le tremblement de terre, et le reste sera saisi de crainte et rendra gloire au vrai Dieu. »

Saint Jean ne nous dit pas quel sera le sort de l’Antéchrist, mais saint Paul nous apprend « que le Seigneur Jésus le tuera par le souffle de sa bouche et le détruira par l’éclat de son avènement. » – Plusieurs ont conclu de ce passage que Jésus-­Christ doit descendre en personne pour frapper son grand adver­saire, et que ce jour serait celui où il apparaîtra dans sa gloire et dans sa majesté. Mais cette interprétation est peu exacte. – Saint Thomas, saint Jean Chrysostome expliquent ces paroles, quem Dominus Jesus destruet illustratione adventus sui, dans le sens que Jésus‑Christ frappera l’Antéchrist en l’éblouissant d’une splendeur qui sera comme un présage et un signe de son second avènement. Saint Paul ne nous dit nullement que Jésus‑Christ le tuera de ses propres mains, mais par son souffle, spiritu oris sui, c’est‑à‑dire, comme l’explique saint Thomas, en vertu de sa puissance, par l’effet de son commandement, soit comme quel­ques‑uns le veulent, qu’il se serve pour l’exécuter du concours de l’archange saint Michel, soit qu’il fasse intervenir tout autre agent visible ou invisible, spirituel ou inanimé.[80] Ce qui est certain, c’est qu’en un instant, Satan sera refoulé dans les ténèbres de l’abîme, le règne du méchant sera détruit de fond en comble, et sa puissance, qui aspirait à s’élever jusqu’aux astres, se sera évanouie comme un nuage de fumée.

La résurrection des corps et le jugement final suivront‑ils de près ce grand événement ? L’écriture Sainte est muette sur ce point, l’Église n’a rien voulu définir. Parmi les interprètes des Livres saints, les uns l’affirment, les autres le nient. Suarez émet le sentiment qu’après la mort de l’Antéchrist le monde ne sub­sistera plus que l’espace de quarante‑cinq jours. Il fonde son opi­nion sur la prophétie de Daniel qui, après avoir annoncé que la persécution de l’homme de péché durera mille deux cent quatre-vingt-dix jours, ajoute ces paroles : Beatus qui exspectat et perve­nit usque ad dies 1335. Heureux celui qui aura l’espérance et qui parviendra jusqu’au mille trois cent trente cinquième jour. »

Mais cette opinion ne paraît pas la plus sûre. – Le sentiment le plus accrédité et qui paraît le plus conforme aux saintes Écritures, c’est qu’après la chute de l’Antéchrist, l’Église catholi­que entrera encore une fois dans une ère de prospérité et de triomphe. En effet, saint Paul, l’apôtre inspiré, celui de tous les fils d’Israël qui a vu le plus clair dans l’avenir et dans les destinées de son peuple, ne semble‑t‑il pas nettement affirmer cette doctrine lorsque, retraçant les effets de grâce et de bénédic­tion amenés par la conversion des juifs fils d’Israël, qui, suivant le prophète Malachie[81], ne seront ranimés à la vérité qu’éclairés par la pré­dication d’Hénoch et d’Elie, il s’écrie, saisi d’un saint transport : « Si la chute des juifs en procurant la conversion des païens a été la force de l’Église et la richesse du monde, combien leur résurrection enrichira‑t‑elle davantage le monde, et si leur perte est devenue le salut des hommes, que sera leur retour sinon une résurrection pour le monde de la mort à la vie[82] ? »

Ces paroles sont formelles, et ne semblent donner lieu à aucun doute. Elles concordent avec celles de saint Jean (Apocalypse, ch. XV, vers. 2) : « Et je vis », dit‑il, « ceux qui avaient vaincu la bête et son image ; ils chantaient le cantique de Moïse et le cantique de l’Agneau. » En d’autres termes, les chrétiens et les restes des juifs « Israël » n’ont plus qu’un même esprit, qu’une même foi, ils adressent au Fils de Dieu les mêmes louanges et les mêmes bénédictions, et proclament sa gloire de concert, en lui disant : « Vos ouvrages sont grands et admirables, ô Seigneur tout-puissant ! ô Roi des siècles, vos voies sont justes et véritables ! »

Peut‑on croire, en effet, que le jour où tous les peuples s’uni­ront dans cet accord si longtemps désiré sera celui où les cieux passeront avec fracas, que l’époque où l’Église militante entrera dans sa plénitude coïncidera avec celle de la catastrophe finale ? Jésus Christ n’aurait‑il donc fait renaître l’Église dans tout son lustre et dans tout l’éclat de sa beauté que pour tarir aussitôt les sources de sa jeunesse et de son inépuisable fécondité ?

Mais s’il est permis d’admettre qu’après l’Antéchrist, la fin du monde sera encore ajournée à plusieurs siècles, on ne saurait en dire autant de la crise suprême qui doit amener la réalisation de la grande unité. Car, pour peu que l’on étudie les signes du temps actuel, les symptômes menaçants de notre état politique et de nos révolutions, la marche ascendante de l’impiété correspondant au progrès de la civilisation et des découvertes dans l’ordre matériel, on ne peut se défendre de prévoir la proximité de l’avènement de l’homme de péché et des jours de désolation que Jésus‑Christ nous a prédits.[83]

II

Les saintes Écritures nous indiquent trois traits principaux qui signaleront la domination de l’Antéchrist. Premièrement, il sera empereur et maître absolu de l’univers. Secondement, il aura pour capitale Jérusalem. Troisièmement, il sera habile non moins que violent, et la guerre qu’il livrera aux saints se fera surtout par la ruse et par la séduction.

Premièrement, l’Antéchrist sera maître du monde.

Il est manifeste qu’à l’heure présente, tous les événements qui se dénouent ont pour effet la préparation du milieu social où s’exercera la domination de l’homme de péché.

D’une part, les chemins de fer ont abaissé les barrières et sup­primé toutes les distances. Le télégraphe permet à un despote de transmettre ses ordres d’un point de l’univers à l’autre avec l’ins­tantanéité de la pensée. De l’autre, les peuples des diverses races se fusionnent. Le Russe et l’Américain, le Japonais et le Chinois se rencontrent sur les mêmes navires, ils se coudoient et s’entre­croisent dans nos grandes cités, sur les marchés publics de l’Eu­rope, de la Californie, de l’Afrique équatoriale.

Déjà les peuples reculés de l’Inde adoptent nos inventions, ils fondent des canons rayés et se mettent à construire des navires blindés et des arsenaux. La Chine, ce vaste empire où la population fourmille, où les mers et les fleuves engloutissent chaque jour un excédent énorme d’êtres humains, que ne parvient plus à nour­rir ce sol si riche et si fécond, la Chine a ses mécaniciens ses ingénieurs, elle est initiée à notre stratégie et à nos progrès industriels. – Or nos dernières guerres n’ont‑elles pas démontré qu’à l’heure présente le sort des batailles réside surtout dans les masses, et que dans les armées, comme dans les arènes politi­ques, c’est la prépondérance du nombre, la loi mécanique et brutale, qui décide du succès et emporte la victoire ?

On peut donc pressentir l’heure peu éloignée où ces millions de barbares, qui peuplent l’orient et le nord de l’Asie, seront pourvus de plus de soldats, de plus de munitions, de plus de foudres de guerre que tous les autres peuples ; prévoir le jour où, ayant acquis la pleine conscience de leur nombre et de leurs forces, ils se rueront en hordes innombrables sur notre Europe, amollie et abandonnée de Dieu.[84] Il y aura alors des invasions plus terribles que celles des Vandales et des Huns… Les provinces seront saccagées, les droits violés, les petites nationalités détruites et broyées comme de la cendre. Puis, on verra se produire une vaste agglomération de tous les habitants de la terre, sous le sceptre d’un chef unique qui sera ou l’Antéchrist, ou un de ses prédécesseurs immédiats. Ce jour‑là se fera le deuil de la liberté humaine.

L’unité de tous les peuples se reconstruira une dernière fois sur les débris de toutes les nationalités abolies. Et alors l’empire du mal sera fait. La Providence divine flagellera le monde en le soumettant corps et âme à un maître, coryphée suprême des loges maçonniques, et qui n’aura plus au cœur que la haine des hommes et le mépris de Dieu.

Ainsi, quiconque est attentif au cours des événements actuels, ne peut se défendre de la conviction que tout se prépare pour amener un état social où l’homme de péché, condensant en sa personne toutes les dépravations et toutes les fausses doctrines de son époque, se produira spontanément et sans efforts comme le ver solitaire et parasite qu’engendrent naturellement une chair et des organes gangrenés.

Mais, ce qui paraît incompréhensible, et ce qu’à première vue aucun indice ne semble faire présager, c’est que le siège de son empire sera Jérusalem.

Eh bien, il est aisé de le voir, si la civilisation matérialiste et athée, dont la libre pensée et la presse irréligieuse ne cessent de nous prédire le prochain avènement, s’inaugure jamais dans le monde, son centre d’action et le foyer de sa puissance publique sera Jérusalem.

En effet, lorsque la foi chrétienne aura achevé de s’éteindre dans les cœurs, lorsque la jouissance et le bien‑être seront devenus les dieux du jour et l’exclusive préoccupation des âmes, alors l’activité humaine n’aura plus qu’un seul but, la puissance de l’État, qu’un seul ressort et un seul stimulant, l’opinion publique, qu’un souffle et un moteur, et ce stimulant, ce nerf, ce moteur, ce sera l’or. L’or primera la religion et la morale, il deviendra la base de la politique et la clef de voûte de toutes les institutions, les financiers seront les pontifes et les rois. Et le peuple qui possède le plus d’or sera celui qui nous possédera plus prochaine­ment.

Or, voilà qu’après cinquante siècles d’existence, dix‑neuf de malheurs, un peuple se retrouve partout, il est épars sous tous les cieux, il se rencontre sur les parages les plus lointains, il est mêlé à toute la famille humaine. toujours debout, toujours à la recherche de son messie, rêvant la reconstruction de son temple, et en dépit de tous les changements et de toutes les secousses, inébranlable dans son homogénéité et dans la poursuite de son but.

Ce peuple, il faut lui rendre justice, est actif, sobre, laborieux ; si nous en parlons, c’est d’une manière abstraite, exclusivement au point de vue de ses destinées et de son rôle historique et pro­videntiel. Nous regretterions que nos paroles pussent paraître un outrage contre ce peuple aux ancêtres glorieux, qui a donné au monde le Christ, les Apôtres, la Vierge Immaculée.

Chrétiens et enfants d’Israël, nous sommes plus rapprochés les uns des autres que nous ne le pensons. Comme l’a dit un ora­teur célèbre : le christianisme est un judaïsme avec son couron­nement, le judaïsme est un christianisme auquel manque son couronnement.

Cependant les faits sont là, et il est impossible au philosophe chrétien de les passer sous silence ou de les dissimuler.

Or, il n’y a pas encore un siècle que ce peuple est émancipé, et comme un torrent qui a rompu toutes ses digues, il est déjà à la tête des affaires humaines. Né d’hier à la vie civile et poli­tique, il domine partout, et sans lui on ne peut rien faire dans le monde. Il soudoie et possède à son service toutes les agences de publicité et les principaux organes de la presse. Il est le créancier des grands États de l’Europe. Les chemins de fer, les grandes inventions, les banques, les théâtres lui appartiennent ; il est à la tête du grand mouvement socialiste qui ébranle la Russie, l’Alle­magne, la France… ; il règne dans les principautés danubiennes, et il a voix prépondérante dans les hauts conseils de la franc-maçonnerie dont il dirige la marche et les inspirations.[85]

Au moment où nous écrivons ces lignes, ce que l’on appelle la question antisémitique se pose à l’état d’un redoutable pro­blème, et agite profondément l’Allemagne et le centre de l’Eu­rope ; il s’agit des progrès et de l’influence toujours croissante du judaïsme, qui constitue à l’heure actuelle une menace pour la civilisation, pour la sécurité et l’existence des peuples chrétiens. Cette question préoccupe gravement les politiques et les hommes d’État ; mais parce qu’ils s’obstinent à ne pas s’éclairer aux lumiè­res du catholicisme et de la religion révélée, ils sont impuissants à en trouver la vraie solution.

Pour ne parler que de la Prusse, une statistique récente a établi que les gymnases et les écoles supérieures de ces empires comp­tent 87,949 élèves protestants ; 20,147 élèves catholiques ; 12,371 Israélites. – Si l’on a égard au chiffre proportionnel de la popu­lation, les élèves protestants devraient être de 79,000 : les élèves catholiques de 40,000 et les Israélites de 1,800. – Cette dispro­portion offre matière à de sérieuses réflexions. – Sur 1,200 étu­diants en droit que compte l’Université de Berlin, 600 sont Israé­lites. Et il y a seulement six ans que les portes de la magistra­ture et des carrières administratives ont été ouvertes aux Juifs. – Si cette progression continue, il est certain qu’avant l’espace de vingt‑cinq ans, les trois quarts des emplois publics seront occupés en Allemagne par les Juifs ; il est de fait qu’à l’heure présente. ils dominent déjà dans les finances. dans la presse, et qu’ils se comportent comme formant un État dans l’État.

En réalité, le judaïsme est une doctrine et une foi confession­nelle entée sur une nationalité et une race. Tous les autres peuples, Français, Italiens, Allemands, Espagnols, s’ils vivent soumis pendant un certain temps à un même gouvernement et sous un même régime, s’ils sont régis par les mêmes lois et les mêmes institutions, ne tardent pas à se fusionner, à confondre leurs intérêts, à mêler leur sang, et à posséder les mêmes aspira­tions et le même esprit patriotique. – Mais le Juif est infusion­nable ; – il est campé Mais les enfants du Peuple d’Israël sont présents parmi les autres peuples à l’état de loca­tion, comme l’a dit un écrivain célèbre, ou plutôt il se considère au milieu des autres nations comme un exilé et un captif. Au lieu d’une patrie réelle, il n’a qu’une patrie idéale, la Palestine. – Jérusalem est la seule cité stable après laquelle il soupire. – Dans ses discours, dans ses écrits, à chaque page de ses journaux et de ses revues, il laisse percer l’espérance dont il n’a cessé de se nourrir, celle de reconstruire un nouveau royaume judaïque, soit à Jérusalem, soit dans les alentours. – Ce n’est donc pas la nationalité et le sang qui empêchent le Juif de se fusionner et le mettent en hostilité ouverte avec les autres peuples, mais la religion : non pas la religion mosaïque qu’il a abandonnée et qu’il ne connaît plus que de nom ; mais sa religion talmudique et rabbinique, mélange d’absurdités et de fables incohérentes, reposant non pas sur la base évangélique de l’amour du pro­chain, niais sur l’obligation de vouer une haine profonde à tout ce qui n’est pas issu de son sang. – Ainsi une maxime admise et élevée par Israël à la hauteur d’une doctrine et d’un symbole révélé, c’est que chaque fois qu’il le juge utile à son intérêt, c’est un devoir pour lui de feindre une conversion simulée et de prendre part extérieurement aux observances et aux pratiques d’une religion autre que la sienne. – Ainsi, il est constaté qu’à l’heure actuelle, il y a des Juifs en Allemagne qui se font baptiser et embrassent le Christianisme, afin d’acquérir des terres, de se faire adjuger des titres de noblesse, de parvenir plus aisément aux emplois publics, et qui mettent à profit ces avantages pour enri­chir la synagogue et appauvrir les populations au milieu desquelles ils vivent.[86]

Le libéralisme moderne, par son vain sentimentalisme et ses faux principes égalitaires, a contribué plus que toutes les autres erreurs à amener cette prépondérance et ce débordement de l’in­fluence judaïque dont les peuples européens s’effraient avec de si justes raisons.[87] – Au Moyen Âge, les nations et les princes chrétiens, éclairés par l’Église, avaient prévu ce grand péril social.

– D’une part, ils comprenaient qu’ils avaient le devoir de sup­porter les Juifs, et qu’il leur était impossible de les faire dispa­raître, puisque les prophéties annoncent qu’ils subsisteront jusqu’à la fin des temps et qu’alors seulement ils reviendront à la vraie foi. Mais d’autre part, ils comprenaient qu’ils ne pouvaient vivre paisibles et en sécurité, s’ils accordaient une liberté sans entrave à une race aussi âpre et aussi envahissante. – Il est d’expérience, en effet. que partout où le Juif s’établit et prédomine, il devient despote, tyran dévastateur. – C’est pourquoi en lui refusant les droits politiques et civils, dont il aurait abusé, et dont il abuse partout où la richesse l’a rendu le maître, la loi canonique lui accordait la tolérance ; elle veillait sur lui afin qu’il vécût tran­quille, qu’il vaquât paisiblement à son industrie et à ses affaires commerciales, sans nuire aux chrétiens avec qui il était mêlé, et par ces sages mesures, également profitables à leurs intérêts et à leurs personnes, les juifs fils d’Israël se sont trouvés durant des siècles, non seulement protégés mais défendus contre la haine universelle, l’effervescence et l’exaspération des populations aveuglées.

Telle est la question juive, qui à cette heure remue profondé­ment l’opinion en Prusse, en Autriche, en Pologne, et dont la solution apparaît chargée des pronostics les plus sombres. Or, si nous prenons Israël dans son universalité, défalquant les hom­mes de cette nation tombés dans le rationalisme et l’incrédulité, le noyau de la race judaïque du Peuple de l’ancienne alliance n’a pas cessé de se bercer des mêmes illusions que nous venons de signaler : il continue à voir, dans le messie qu’il attend toujours, un puissant conquérant qui soumet­tra la terre. – Naguère, un des interprètes les plus autorisés du Talmud ne craignait pas de dire : « Un messianisme des nou­veaux jours doit éclore, une Jérusalem d’un nouvel ordre, sainte­ment assise entre l’Orient et l’Occident doit se substituer à la double cité des Césars et des Papes.[88] » Il est du reste constant que la majorité des orthodoxes et des croyants a conservé pour formule et pour mot d’ordre la parole que faisait jadis entendre un rabbin illustre : « Jérusalem est toujours le pivot de nos espérances et de notre foi. »

Or est‑il invraisemblable que, dans des conditions sociales comme les nôtres, où les événements les plus terribles, les plus imprévus surgissent tout à coup avec la rapidité de la vapeur et de la foudre, il ne puisse se rencontrer un homme qui, mettant à profit le chaos où nous auront jetés nos révolutions, ne parvienne à fasciner les multitudes, à se rendre maître des esprits et des cœurs, et qui arborant l’étendard de la régénération cosmopolite, ne fasse entendre un cri de ralliement auquel tous ses coreligion­naires feront écho, et n’arrive ainsi à la conquête, d’un pouvoir universel, à une prodigieuse domination des intelligences et des corps, domination acceptée avec enthousiasme par l’universalité des peuples égarés et séduits ?

Enfin n’est‑il pas permis de croire que cet homme puissant et pervers. qui étreindra le monde dans les serres d’un despotisme sans nom et sans mesure, et qui unifiera le genre humain par la servitude des consciences et l’abaissement des courages, sera le personnage dépeint et prédit par saint Jean comme l’Antéchrist, et qu’il sera l’homme dont la divine Providence aura voulu se servir pour désabuser Israël qui l’aura un instant salué comme son Messie et son roi ?

Enfin quels seront les caractères de la persécution de l’Anté­christ ?

Cornélius a Lapide, Suarez, d’après les Écritures et les Pères, en ont signalé les principaux traits.

D’abord ce qui est certain et presque de foi, c’est que de toutes les persécutions que l’Église a eu à subir, celle de l’Antéchrist sera la plus terrible et la plus violente.

Premièrement, parce que cette persécution sera générale et s’étendra sur toute la terre. – Il est écrit : « Ils se répandirent sur la face de la terre, et ils environnèrent le camp des saints et la ville bien‑aimée. »[89] – Saint Augustin, livre XX de la Cité de Dieu, explique ce texte de saint Jean, en disant que tous les infidèles, les hérétiques, les sectaires et les hommes dépravés épars sur la surface du globe, se coaliseront avec l’Antéchrist pour faire la guerre aux saints et persécuter les hommes fidèles à Dieu.

Secondement, cette persécution sera de toutes la plus dure et la plus violente parce qu’elle ne sera inspirée ni par la superstition et par le fanatisme, ni par un attachement aveugle au culte des idoles, comme le furent les persécutions déchaînées par les empe­reurs païens. Elle ne se proposera ni d’assouvir l’orgueil, ni de satisfaire la soit effrénée de la domination, comme la persécu­tion de Mahomet – Elle ne sera pas non plus allumée par les convoitises effrénées de la chair, et par l’appât du pillage, comme celle que les princes allemands firent subir à l’Église, sous le protestantisme et au temps de la vie de Luther ; mais ce sera une persécution exclusivement suggérée par la haine de Dieu, où Dieu et son Christ seront pris directement à partie, dont l’ob­jectif unique sera l’extermination du règne divin, l’anéantissement total du christianisme et de toute religion positive. – Ainsi les Tibère, les Néron, les plus affreux tyrans du paganisme recon­naissaient au moins dans les idoles, qu’ils voulaient contraindre les chrétiens d’adorer, une notion et comme un reflet lointain de la divinité ; mais dans les temps dont nous parlons, il ne sera plus permis de rendre à une divinité quelconque, même un culte altéré et corrompu. Tous les hommes sans exception seront forcés d’honorer et de rendre un culte de latrie à Satan lui‑même per­sonnifié dans l’Antéchrist, c’est‑à‑dire dans l’homme le plus impie, le plus abominable qu’ait jamais produit l’humanité.

Troisièmement, cette persécution qui signalera les derniers âges s’exercera avec une séduction en quelque sorte irrésistible, ut in errorem inducantur, si fieri potest, etiam electi. Cornélius a Lapide dit : Omnes politicorum artes, dolos et praxes callebit. Dans le principe, l’Antéchrist persuadera aux juifs enfants d’Israël qu’il est le messie. Afin de les tromper plus efficacement, il se parera du masque d’une modération et d’une sainteté hypocrite. Saint Paul, en nous apprenant qu’il se fera adorer dans le temple de Dieu, semble nous indiquer qu’il reconstruira le temple de Jérusalem détruit de fond en comble par Titus ; en conséquence il ordonnera la circoncision et rétablira pour un temps les sacrifices sanglants et les autres rites de la religion judaïque.

Quant aux hommes étrangers à la religion juive synagogue, il les attirera à lui d’abord par la persuasion et l’éloquence. Il sera dressé aux artifices et instruit par le démon lui‑même dans toutes les connaissances utiles pour les fins auxquelles l’esprit mauvais le destine. Saint Anselme nous dit qu’il possédera toutes les scien­ces naturelles et saura de mémoire tous les textes des Écritures.

Secondement, il gagnera les hommes en semant à profusion l’or et les richesses. Il sera le sujet le plus opulent de la terre. Satan lui livrera tous les trésors cachés dans les entrailles des mers et dans les profondeurs secrètes de la terre.

Quatrièmement, il remplira tous les hommes d’admiration par son génie et par la rapidité prodigieuse avec laquelle il se sera élevé au faîte de la fortune et de la toute‑puissance. Quant aux ignorants et à la foule, il les fascinera par des prodiges, cujus est adventus secundum operationem Satanœ, in omni virtute et pro­digiis mendacibus.[90] – De même que le Christ, dit saint Thomas, opéra des miracles en confirmation de sa doctrine, ainsi l’homme de péché opérera de faux miracles en confirmation de ses erreurs ; mais de même aussi que le vrai Christ opérait des prodiges par la vertu de Dieu, auteur de toute vérité, ainsi son adversaire, comme nous l’avons indiqué plus haut, opérera par la vertu de Satan, le père de l’imposture et du mensonge. L’homme de péché ne fera donc pas de vrais miracles comme Jésus‑Christ, mais il en fera de faux et d’apparents. Toutes ses œuvres mer­veilleuses ne seront en réalité que des illusions et des œuvres fantastiques ; de telle sorte, dit saint Athanase, que lorsqu’il paraîtra ressusciter un mort, ou bien l’homme qu’il ressuscitera ne sera pas vraiment mort, ou bien s’il est mort il ne le ressus­citera pas réellement. – Enfin, dit encore le même saint, les œuvres opérées par l’Antéchrist et qui paraîtront dépasser les forces de la nature, ne seront pas des miracles proprement dits, mais des effets et des phénomènes de l’ordre physique opérés par la médiation de certaines causes naturelles secrètes et cachées. – Pour mieux captiver les hommes, l’Antéchrist autorisera la luxure et les licences de la chair, il fera appel aux voluptés les plus enivrantes, tolus erit in libidinibus et concupiscentiis femina­rum.[91]

Cinquièmement, la persécution de l’Antéchrist sera la plus inhumaine et la plus sanglante de toutes celles qu’a jamais subies le Christianisme. Jésus‑Christ nous en donne l’assurance, lorsqu’il nous dit : « Alors la tribulation sera grande telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à présent et qu’il n’y en aura jamais. » On peut le conjecturer en se ratta­chant à deux causes. – La première, est la colossale puissance et les moyens prodigieux de force et de destruction dont l’Anté­christ sera pourvu et en même temps l’impiété et la rage des hommes préposés à l’exécution de ses commandements. – La seconde, sera l’effrayante malice du démon, car, dit saint Jean, en ces jours Dieu le laissera sortir de la prison de flammes où il est enchaîné et lui donnera pleine licence de séduire et d’assouvir sa haine contre le genre humain. D’où il suit, dit saint Cyrille, qu’il y aura alors des multitudes de martyrs, plus glorieux et plus admirables que ceux qui combattirent jadis, contre des lions dans les amphithéâtres de Rome et des Gaules. Ceux‑ci n’avaient à lutter que contre de simples ministres du démon, mais les confesseurs des derniers âges auront à lutter contre celui qui est homicide dès le commencement. – L’antique ennemi déploiera pour les tourmenter des monstres de supplice et des raffinements inouïs, sans exemple dans les siècles passés, et que de lui‑même l’esprit humain ne serait jamais parvenu à inventer.

Enfin, dernier trait de la persécution de l’Antéchrist, elle sera d’une telle violence qu’elle parviendra à faire apostasier la pres­que universalité des chrétiens. « Et il lui fut donné, de faire la guerre aux saints et de les vaincre. Et cette corne, que je vis, faisait la guerre aux saints, et il lui était donné de prévaloir ». Saint Paul nous apprend encore que Jésus‑Christ ne descendra pas une seconde fois avant que ne vienne la grande apostasie. Saint Augustin[92], interprétant cette parole de l’Apôtre, nous dit que si dans tous les temps on a vu des fidèles renoncer au Christ par l’effet des artifices des hérétiques et de la crainte des persé­cuteurs et des tyrans, toutefois, la défection qui se produira sous l’Antéchrist est appelée l’apostasie proprement dite, parce que. par le nombre et par sa généralité, cette apostasie excédera tout ce qui s’est vu dans les temps antérieurs.

Toutefois il ne faudrait pas conclure de ces témoignages qu’il ne restera plus d’élus sur la terre, et que le Fils de Dieu faillira à la promesse faite à son Église lorsqu’il lui dit : Propter electos, dies breviabuntur, à cause des élus les jours seront abrégés ; du reste, saint Jean dans son Apocalypse ajoute : « La bête sera adorée par tous ceux des habitants de la terre, dont les noms ne sont pas écrits dans le Livre de vie. » Saint Augustin nous af­firme qu’au règne de l’Antéchrist, il y aura des multitudes de martyrs qui feront éclater une héroïque constance, il y aura éga­lement un nombre plus ou moins grand de confesseurs, qui parviendront à se réfugier dans des cavernes ou dans des montagnes escarpées ou abruptes, et Dieu veillera à ce que ces retraites échappent à la vigilance et aux investigations des persécuteurs, et il ne permettra pas au démon de les leur signaler.

Daniel nous apprend que durant les jours où se déchaînera cette effroyable persécution, l’abomination de la désolation trônera pleinement dans le lieu saint. « Le roi, dit‑il, agira selon qu’il lui plaira : « il s’élèvera, il parlera avec orgueil contre tout Dieu ; il parlera insolemment contre le Dieu des dieux… Il n’aura aucun égard au Dieu de ses pères. et il ne se souciera d’aucun Dieu quel qu’il soit… »[93]

En d’autres termes, une fois que l’homme de péché aura fait fléchir le genre humain par ses menaces et qu’il l’aura enlacé dans les filets de ses mensonges et de ses ruses, il ne gardera plus aucune mesure, il démasquera toutes ses batteries, et procé­dera à visage découvert. Il ne souffrira plus que l’on adore ou que l’on invoque d’autre Dieu que lui‑même, il se proclamera le seul maître du ciel et de la terre. Partout où il ne se trouvera pas personnellement présent, ce sera à son image ou à sa statue que les hommes seront contraints de décerner leurs hommages : Et elevabitur, magnificabitur adversus omnem Deum. Il ne tolé­rera plus ni la religion mosaïque, ni la religion naturelle elle-même. Il persécutera avec le même acharnement les juifs, les schismatiques, les hérétiques, les déistes, et toutes les sectes qui admettent l’existence d’un être suprême, et l’immortalité de la vie future. – Mais Dieu, dans sa sagesse, tirera le bien du mal. – L’horrible tempête que sa justice aura laissée se déchaîner sur la terre, aura pour effet de faire disparaître les cultes faux. Elle abolira, avec le judaïsme, les restes du mahométisme, les superstitions idolâtres, et toutes les religions hostiles à l’Église. Elle donnera le coup de grâce aux sectes de ténèbres. La franc-maçonnerie, le carbonarisme, l’illuminisme et toutes les sociétés subversives disparaîtront dans le tourbillon d’impiété qui sera leur œuvre, et qu’elles avaient préparé depuis des siècles, estimant qu’il serait leur triomphe décisif et suprême. – Sans le vouloir, elles auront coopéré à fonder le règne de l’unité annoncé par le prophète, erit unum ovile et unus pastor.

Le triomphe de l’impie aura été de courte durée.

Mais les consolations qui succéderont seront universelles, abon­dantes, proportionnées à l’étendue des tribulations que l’Église aura subies.

Un fils d’Israël, naguère converti, aujourd’hui prêtre et docteur, contemplant avec ravissement le grand spectacle qu’offrira l’Église de Dieu à cette époque fortunée où juifs et gentils, assis à un même banquet, seront devenus une même famille sous la houlette d’un même pasteur, s’écrie avec transport : Dans la vie de Jésus‑Christ sur la terre, il y a eu deux grands jours de triomphe où il a été reconnu comme Messie et comme Roi : la fête de l’Épiphanie, qui fut en quelque sorte la fête du matin que firent à Jésus‑Christ les nations accourues et représentées dans la personne des Mages, et le jour des Rameaux qui fut la fête du soir, que fit à Jésus‑Christ Jérusalem attardée, le jour des Rameaux qui fut le jour des acclamations d’Israël.

Or voici qu’après dix‑neuf siècles de fidélité, la grande fête de l’Épiphanie est oubliée des nations et de leurs chefs, qui ont rejeté Jésus‑Christ et son Église. – Laissez‑moi donc saluer, au soir de la vie de l’Église, le grand jour des Rameaux et l’explosion inattendue des acclamations du vieux peuple de Jacob. Laissez‑moi saluer et chanter ce jour, où les portes de la synagogue s’ouvriront avec ivresse pour l’entrée triomphale du Messie, qu’elle a si longtemps attendu et méconnu. Laissez‑moi chanter le jour où les restes d’Israël étendront leurs vêtements sur le chemin du Christ et de son Église, et où l’air sera embaumé des parfums de ce sang qui retombera cette fois en pluie d’amour sur Israël et sur ses enfants. Ô jour des Rameaux, lève‑toi sur l’Église ! … Jérusalem, Jérusalem, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes ; mais cette fois tu l’auras voulu, ô Jérusalem, sous les ailes tu te seras précipitée. Hosanna et gloire éternelle à Jésus‑Christ au plus haut des cieux, et à l’Église où Israël après une longue absence a retrouvé son Messie et son Roi.[94] »

Et pourtant ce ne sera pas encore la consommation finale, car il est écrit (Apocalypse, chap. XI) : « Le septième ange sonnera en ce moment de la trompette, et le ciel retentira de grandes voix » : des voix d’anges, des voix de vierges, les voix des con­fesseurs et des saints martyrs salueront le Christ de leurs louan­ges et de leurs acclamations, ils rendront grâce de sa victoire sur l’Antéchrist et de l’extermination des impies. Tous les hommes, devenus les adorateurs d’un même Dieu, professant tous une même foi, unis dans une même adoration, participant à une même table, s’écrieront de concert : « Le royaume de Dieu est devenu le royaume de Notre Seigneur et de son Christ… Nous vous rendons gloire, Seigneur Dieu tout‑puissant, qui êtes, qui étiez et devez venir, parce que vous avez reçu votre grande puissance et que vous régnez. »[95]

 

61. Il Th., II, 3, 4, 5, 6. [↩]

62. Bellarm., lib. 111, De pontifice. [↩]

63. S. Thom., lib. III, 2, VIII, 6. [↩]

64. Il Thsal., II, 10, 11, 12. [↩]

65. Apoc., XIII, 5, 8. [↩]

66. Apoc., XIII. [↩]

67. Personne n’ignore que les démons déchus de leur beauté et de leur justice originelle n’ont rien perdu de leur forces. Ils peuvent agir sur les éléments, condenser les nuée, ; et les vapeurs, lancer les foudres, déchaîner les tempêtes… Quant aux miracles proprement dits, Dieu seul peut les opérer. Le miracle est une dérogation aux lois de la nature qui excède toute force créée, soit humaine, soit angélique. L’Antéchrist ne fera donc pas de vrais miracles, mais des miracles faux et apparents. ‑ Il est dit dans le livre de Sibylla, lib. III, Oraculorum, qu’il arrêtera le soleil, qu’il marchera sur les eaux, déplacera les montagnes. Tous ces prodiges seront de pures illusions, des soutes de mirages analogues à ceux qu’opèrent les démons lorsque, par le ministère de leurs magiciens et de leurs médiums, ils fascinent les hommes, leur brouillent l’ima­gination et la vue, au point de leur faire apparaître les objets tout autres qu’ils sont. [↩]

68. Tim., L, 1. [↩]

69. Dan. VII, 25. [↩]

70. S. Lc, 11, 35. [↩]

71. Apoc., XIII, 17, 18. [↩]

72. Ce signe est appelé un caractère, parce qu’il sera imprimé sur la chair… L’Apôtre nous apprend que la bête forcera les petits comme les grands de le porter. Par les petits sont désignés les enfants qui naîtront. Car le fils de per­dition et ses faux prophètes aboliront tout baptême fait au nom de la Sainte­-Trinité. Ils auront soin de forcer tous les enfants et les jeunes gens des deux sexes de recevoir au front le caractère de la bête, et de rejeter le baptême institué par Notre Seigneur Jésus‑Christ. (Holzauser, Interpretat de l’Apocalypse, livre VI, ch. XIII.) [↩]

73. Mt., XXIV, 21. [↩]

74. Mt., XXIV, 24. [↩]

75. Marc, XIII, 12. [↩]

76. 1 Le pieux et savant Holzauser, dans son Interprétation de l’Apocalypse, observe que dans la langue grecque, celle dont s’est servi l’apôtre saint Jean, le mot (grecque) qui veut dire contraire, traduit en chiffre, correspond au nombre W. ‑ Ainsi, selon lui, le nombre 666 désignerait la qualité, la ma­nière d’être de l’homme de péché, et non pas son nom personnel. Il est diffi­cile d’admettre que saint Jean ait proposé le nombre 666 comme quelque chose de profond, de mystérieux, une énigme en quelque sorte impénétrable, lorsque le sens en serait si simple et si obvie. L’apôtre n’aurait alors parlé que pour nous apprendre que l’Antéchrist serait le contraire ou l’Antéchrist. ‑ Holzauser ajoute que le nombre de la bête 666 est un nombre de mois qui font cin­quante‑cinq ans et demi. Il s’appuie sur cette donnée pour nous dire que l’Antéchrist est né en 1855, et qu’il vivra cinquante‑cinq ans, et que sa persé­cution aura lieu vers 1908. ‑ Il faut dire que ce sont là des conjectures et des suppositions purement arbitraires. Des hommes non moins saints ni moins savants que Holzauser ont essayé souvent les mêmes calculs, et ils se sont constamment trompés. L’Église ne nous a rien enseigné sur le temps de l’avè­nement de l’Antéchrist. ‑ Il n’y a pas un seul texte de la sainte Écriture qui autorise de telles interprétations. [↩]

77. Apoc., XIII, 16. [↩]

78. 1 Saint Jean ne nous dit pas ouvertement que les deux témoins dont il fait mention seront Hénoch et Elie, mais il est évident, d’après le contexte, que par les deux flambeaux et les deux oliviers il n’entend pas désigner deux saints ou deux prédicateurs quelconques, mais deux personnages déterminés, doués d’une puissance et d’une sainteté extraordinaires. Or, en pesant tous les faits et toutes les circonstances qui nous sont prédites sur la vie et la mort de ces deux personnages, en rappelant tout ce que nous disent sur eux les Écritures, notamment l’Ecclés., ch. 48, et le prophète Mlie sur la mission qu’ils seront un jour appelés à remplir, Bède, saint Anselme, saint Augustin et une multitude de Pères assurent que les deux témoins dont parle l’Apocalypse ne sont autres qu’Hénoch et Elie, et qu’ils n’ont été miraculeusement soustraits à la mort, que pour combattre l’Antéchrist, et rendre à la fin du monde témoi­gnage à Jésus‑Christ. [↩]

79. Cornélius à Lapide nous dit que c’est une vérité certaine et presque de foi, fidei proximum, qu’Hénoch et Elie ne sont pas morts. Tertullien, livre de la Résurrection, LVIII, les appelle les candidats de l’Éternité, afin de nous faire entendre qu’ils sont affranchis de toute misère, de toute souffrance et dans l’impuissance de pécher. Saint Irénée, liv. IV, ch. v, les appelle coauspicantes immortalitatem, ce qui veut dire qu’ils ont le présage et l’augure assuré de la vie immortelle. ‑ Ni Hénoch, ni Elie ne sont encore glorifiés dans leurs corps, ils continuent à être revêtus d’une chair, dont ils seront un jour, comme nous, dépouillés par la mort. ‑ Les Pères nous enseignent d’Hénoch qu’il fut transporté dans le paradis terrestre, c’est aussi ce que nous apprend le Livre de l’Ecclésiastique, c. XLIV, v. 16. Au déluge, lorsque le Paradis terrestre fut submergé. Hénoch fut transporté dans quelque région du ciel inconnue où Elie. alla le rejoindre lorsqu’il fut enlevé sur un char de feu. Dans le séjour qu’ils habitent, ils vivent absorbés dans la contemplation des choses divines, dans un état qui n’est pas celui de la béatitude céleste, mais où ils sont inondés des consolation divines et goûtent un inaltérable repos. ‑ Comme ils sont sortis en quelque sorte de la vie et ne sont plus soumis à l’état d’épreuve, ils ne sont plus susceptibles d’acquérir de nouveaux mérites, ni de croître en sainteté. Mais quand ils redescendront sur la terre, à la fin des temps, ils rentreront dans les conditions de la vie présente, ils redeviendront aptes à subir les souffrances, et ils mériteront de nouveau, soit en combattant l’Antéchrist, soit en rendant témoignage par leur prédication et par leur mort à Jésus‑Christ de Nazareth. [↩]

80. Cornélius à Lapide et Holzauser disent qu’à la vue du triomphe d’Hénoch et d’Elie, l’Antéchrist se sentira troublé d’un froid glacial ; il frémira de rage et, dans l’excès de son orgueil et de sa présomption infernale, il cherchera à retenir les peuples dans l’erreur par une nouvelle et plus sacrilège imposture. Aidé par les démons, il s’élèvera du mont des Oliviers dans les airs avec une grande majesté et s’efforcera d’atteindre Hénoch et Elie pour les précipiter sur la terre. Mais voilà qu’à ce moment solennel la vertu du Tout‑Puissant le frappera et le précipitera lui‑même dans la plus grande ignominie et confusion. ‑ Cette interprétation du vénérable Holzauser n’est qu’une opinion, mais elle est admissible et n’est pas en discordance avec le texte sacré. [↩]

81. 1 Et convertet cor Patrum ad filios et cor filiorum ad Patres eorum. ‑ Dans ce passage, Mlie parle du même personnage désigné dans l’Ecclésiastique ch. XLVIII. Et la similitude des termes démontre que c’est réellement à Elie qu’il fait allusion. [↩]

82. Rom., XI, 12. [↩]

83. Deux opinions ont eu cours dans les premiers siècles relativement au temps de l’avènement de l’Antéchrist. ‑ La première est celle des commentateurs qui, se basant sur le texte d’une épître apocryphe de saint Barnabé, ont sou­tenu que le monde devait durer six mille ans et pas un jour de moins ni de plus. Saint Barnabé aurait dit : Itaque, filii, in sex diebus, hoc est in sex anno­rum milibus, consummabuntur omnia, et saint Hilaire commente ce passage en disant : Quotquot enim diebus hic factus est mundus, tot et millenis annis consummatur. Observons d’abord, que l’Église ne met pas la lettre de saint Bar­nabé dont il est ici question au nombre des livres inspirés. ‑ Observons secondement que sans s’écarter de la vérité biblique, on peut, à partir de l’ère actuelle, faire varier de six mille à huit mille ans l’époque où a eu lieu la création. D’après d’anciens monuments très authentiques récemment découverts et de sérieuses études chronologiques faites de nos jours, il paraîtrait probable qu’actuellement le sixième millénaire de la création du monde, se serait écoulé depuis plusieurs siècles. Or, si nous sommes en ce moment dans le septième ou huitième millénaire depuis la création d’Adam, ce serait une preuve que la prophétie contenue dans la prétendue lettre de saint Barnabé, à laquelle saint Hilaire aurait ajouté foi, serait, comme cette lettre elle‑même, erronée et apocryphe.
Une seconde opinion longtemps accréditée du IV au Xe, siècle, était celle que l’Antéchrist apparaîtrait aussitôt après la chute de l’Empire romain. Cette opinion se fondait sur le sens que l’on donnait alors à cette parole de l’Apôtre Discessio. On interprétait cette expression dans le sens d’une scission politique, qui briserait le sceptre de l’Empire romain, et sous­trairait à jamais les peuples à sa domination. Saint Paul dit en effet, dans sa seconde épître aux Thsaloniciens, et scitis quid detineat. Plusieurs Pères et Docteurs ont enseigné que ce quid detineat signifiait l’Empire romain désigné d’une manière voilée par l’Apôtre, afin de ne pas soulever les haines et les susceptibilités ombrageuses du pouvoir, et ils en concluaient que l’avènement de l’Antéchrist aurait lieu lorsque l’Empire romain aurait totalement disparu.
Saint Augustin et saint Thomas estiment qu’en s’en tenant an sens littéral, l’interprétation donnée au passage de l’Apôtre ne repose pas sur un fonde­ment sérieux et solide. ‑ Tout d’abord, il parait étrange que Dieu ait voulu lier les destinées de son Église aux destinées d’un empire terrestre. L’Église est appelée à conquérir tous les peuples de la terre, et à les réunir sous sa houlette et dans son giron. On ne peut admettre qu’elle soit réduite à demeurer circonscrite dans les limites d’un empire quelconque. Ce sentiment est en outre en contradiction flagrante avec les faits. La ruine de l’Empire romain est depuis longtemps consommée. Sous Constantin, cet Empire se divisa en deux branches celle d’Orient et celle d’Occident. Il revécut en Europe sous Charlemagne. – A la fin du XIV siècle, apparut Vincent Ferrier, l’Ange de l’Apocalypse ; il prédisait que le jugement dernier était proche, et qu’avant l’expiration de huit lustres, on verrait les signes précurseurs de la catastrophe finale. En effet, trente ans après la mort de Vincent Ferrier, Mahomet Il s’emparait de Constantinople et supprimait pour toujours la branche orientale de l’Empire romain. Quant au rameau occidental, il continua à languir jusqu’à l’empereur Rodolphe, qui fut le chef de la dynastie d’Augsbourg, et qui reçut son diadème du Christ par la médiation du successeur de saint Pierre. Petra dedit Petro, Petrus diadema Rodolpho.
Dans notre siècle, l’Empire romain a fini de s’éteindre par l’abolition des électorats et la renonciation au titre de Roi des Romains que Napoléon le, obtint de l’empereur François Il. Toutefois, l’opinion que nous combattons est vraie si l’on veut l’interpréter dans un autre sens et si l’on applique la dénomination d’Empire romain à l’Église catholique qui a succédé aux Césars. ‑ Alors la parole de l’Apôtre, nisi venerit discessio, s’entendrait du divorce actuel des nations avec l’Église, de la séparation de la politique et de la religion, de l’Église avec l’État. D’après cette interprétation, l’athéisme légal, c’est‑à-dire la destruction du règne public de Jésus-Christ, l’élimination du christia­nisme, des lois, des institutions serait le mystère d’iniquité annoncé par saint Paul. ‑ On ne peut nier en effet qu’à l’heure présente tous les gouvernements n’aient la main à l’œuvre pour la réalisation de cette œuvre abominable d’apos­tasie, qu’ils ne s’efforcent de bannir Jésus‑Christ de l’école, des armées, du sanctuaire même de la justice ! ‑ Sa croix, son nom adorable, ne sont‑ils pas blasphémés et signalés comme un symbole d’ignorance et de fanatisme ? L’Église n’est‑elle pas mise hors la loi, et exclue des conseils des gouverne­ments et des assemblées délibérantes ? Toutes les lois qui s’élaborent ne sont ­elles pas marquées vis‑à‑vis d’elle du sceau d’une intolérance odieuse et ont ­elles d’autre but que celui d’amoindrir son autorité et son influence ? Le blasphème est érigé à la hauteur d’un privilège et d’un droit ; le Pontife romain, dépossédé de sa principauté, est depuis onze ans captif. Et parallè­lement à la destruction du christianisme, on voit le paganisme reparaître sous la forme d’un matérialisme abject ; il se signale par l’apothéose de tout ce qui flatte les sens et la glorification des instincts les plus grossiers et les plus brutaux ; ce paganisme envahit l’industrie, les arts, la littérature, il prédomine dans toutes les institutions publiques. En même temps que le christianisme est signalé comme l’ennemi, le matérialisme est offert aux aspirations des peuples comme l’inspirateur du progrès et le Dieu de l’avenir. ‑ Or, si l’on ne parvient à opposer aux excès du mal une réaction prompte et vigoureuse, si la défection continue son cours, on peut prédire que cette guerre faite à Dieu doit fatalement aboutir à l’apostasie totale et consommée. De la statolatrie, c’est‑à‑dire de l’esprit utilitaire et de l’adoration du Dieu‑État, qui est le culte de notre époque, à l’adoration de l’homme individu, il n’y a qu’un faible pas à franchir. Nous y touchons presque… Et partant de ces faits et de ces obser­vations, il faut en conclure que l’opinion de l’avènement prochain de l’Antéchrist est plus probable que l’opinion qui considère son avènement comme éloigné. [↩]

84. Cornélius à Lapide, à une époque où il n’était pas encore question de nos grandes découvertes, affirmait que l’Antéchrist aurait sous son commandement des années innombrables : ‑ Instar arenœ maris (Apoc., XX). ‑ Et numerus equestris exercitus vicies millies dena millia. (Apoc., IX, 16). ‑ Selon l’inter­prétation du savant Cornélius, la cavalerie seule de l’Antéchrist se composera de deux cents millions d’hommes. Combien plus considérable sera le nombre de son infanterie ! (Cornélius à Lapide, Comment in Ths., p. 164.) [↩]

85. L’Europe compte 3,339,000 Juifs. L’Allemagne seule en compte 1,250,000, la Roumanie 500,000. Total des Juifs existant dans le monde : six millions. ‑ Desmousseau. dans son livre de La Judaïsation des peuples chrétiens, cite une infinité de passages tirés de l’Univers et des Archives Israélites, d’où il ressort que la théologie du judaïsme libéral n’est autre que la doctrine et le symbo­lisme des société occultes et maçonniques. ‑ De là cet aveu remarquable que faisait entendre, il y a peu d’années, un premier ministre de la Grande-Bretagne, issu lui‑même de sang judaïque : « Le monde, disait‑il est conduit par de tout autres personnages que ne se l’imaginent ceux dont l’œil ne pénètre pas dans les coulisses… et la puissante révolution qui se prépare en Allemagne, où elle sera bientôt une seconde réforme plus considérable que la première et par conséquent plus destructive du catholicisme, prend son développement sous les auspices du Juif. » Le chevalier Desmousseau, qui éditait son livre en 1869, croit pouvoir affirmer que sur les neuf membres composant le conseil suprême de la Maçonnerie, cinq étaient Israélites. [↩]

86. La Civilta cattolica, revue romaine, liv. 11, janv. 1881, cite le fait d’un juif, qui se fit successivement protestant, catholique, se fit ordonner prêtre, et finalement embrassa l’état religieux. ‑ Il racontait lui‑même que, lorsqu’il était enfant, son père lui avait inculqué la maxime que l’homme « devait vivre selon la religion du pays qu’il habite, et cela pour s’épargner des embarras, être moins tracassé dans sa personne et dans ses affaires. » ‑ De fait, l’enfant sut merveilleusement mettre cette doctrine en application. De prêtre et de reli­gieux qu’il était, il se refit protestant et se maria avec une protestante ; peu auparavant, il avait eu l’occasion de séjourner en pays mahométan, où il avait jugé utile de vivre en pur mahométan. [↩]

87. Gambetta est le fils d’un Juif baptisé, Reinach, son secrétaire, est un Israélite de Francfort ; les députés Naquet et Sée sont unis à Gambetta par le lien de race, c’est‑à‑dire par la commune origine judaïque. (Civilta cattolica, livre ler janvier 1881.) [↩]

88. Archives israélites, XXV. [↩]

89. Ascenderunt super latitudinem terræ et circumierunt castra sanctorum. (Apoc. XX, 8.) [↩]

90. II ad Th., 11 [↩]

91. Dan., II, 37. [↩]

92. Cité de Dieu, lib. XX. [↩]

93. (Dan., XI, 37.) ‑ A la vérité par ces paroles le prophète se propose aussi de peindre la persé­cution d’Antiochus et la rage dont ce prince sera animé contre le peuple du Seigneur. Mais. comme observe Suarez, Antiochus n’était que l’image de l’Antéchrist, et les maux qu’il fit subir aux Juifs fidèles sont destinés à retracer en raccourci, ceux qu’endureront les chrétiens des derniers jours. [↩]

94. Abbé Lehman, Les Nations frémissantes. [↩]

95. Apoc., XI, 17. [↩]

Abbé Charles Arminjon, Fin du monde présent et mystères de la vie future, 1881.

 

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